Francine Mestrum a travaillé comme interprète de conférence auprès des institutions européennes.
A 40 ans, elle retourne à l'université (Université Libre de Bruxelles) et fait son doctorat en coopération au développement avec une analyse du discours international sur la pauvreté. Elle a travaillé à différentes universités belges en tant que professeur invitée.
Ses recherches portent sur la dimension sociale de la mondialisation, la pauvreté, l'inégalité, la protection sociale, les services publics et le genre, en s'intéressant chaque fois aux significations et à la dynamique sémantique des concepts et des mots. Elle continue d’examiner de près la dimension sociale des politiques des institutions de Bretton Woods, la façon dont leurs discours s’adapte aux besoins des temps présents, presque toujours en vidant de son sens concret le concept de ‘développement’.
Elle travaille également à un projet sur les ‘communs sociaux’ ce qui devrait permettre une appréhension commune, active et participative des droits économiques et sociaux et, de là, de la citoyenneté (socialcommons). À partir des communs sociaux, le chemin vers des ‘communs globaux’ est assez direct. Elle donne son appui à toutes les recherches et les idées concernant un nouvel internationalisme. Elle a une expérience pratique avec des programmes éducatifs en Asie, en Afrique et en Amérique Latine.
Elle a été pendant vingt ans un membre actif du Conseil international du Forum Social Mondial et a fait partie du Comité international d'organisation du Forum des peuples Asie-Europe, coresponsable du pôle justice sociale. Dans ce contexte, elle a organisé des webinars sur des sujets sociaux, en connexion avec la justice climatique et la paix.
Elle a travaillé également, avec Boaventura de Sousa Santos et Roberto Savio, à une initiative pour le renouvellement du Forum Social Mondial. Ce travail a permis la création d’une ‘Assemblée sociale mondiale du FSM’, séparée et autonome.
Elle est la fondatrice du réseau mondial de Global Social Justice, membre de l’Alliance globale pour les seuils de protection sociale.
Elle a été membre du conseil d'administration du CETRI (Centre Tricontinental), une ONG fondée par François Houtart, à Louvain-la-Neuve. CETRI fait des recherches sur les relations Nord-Sud et donne une voix à des personnalités et des mouvements du Sud.
Elle est également membre du comité de rédaction de Uitpers, une publication numérique sir les politiques internationales.
Elle a écrit plusieurs livres en néerlandais, français et anglais sur le développement, la Banque mondiale, la pauvreté, l'inégalité et les communs sociaux, notamment ‘Mondialisation et Pauvreté. De l’utilité de la pauvreté dans le nouvel ordre mondial’ (L’Harmattan, 2002).
Un de ses derniers livres s'intitule Redefining the Social Justice Agenda. Voices from Europe and Asia, avec Meena Menon, publié par Palgrave, 2021.
Son dernier livre a été publié en quatre langues : ‘Ilegalizar la pobreza’ et ‘Make poverty illegal’, publiés par Plaza y Valdès, Mexico ; ‘Maak armoede illegaal’, publié par Houtekiet, Antwerpen, et ‘Criminaliser la pauvreté. Les puissants et le business de l’exclusion’, publié par Couleur livres, Namur.
Ce livre ne parle pas des pauvres, mais de la pauvreté, une réalité douloureuse pour de bien trop nombreuses personnes tout en étant un thème dont on use et abuse politiquement à des fins autres que celles de ses victimes. La pauvreté est pourtant un thème consensuel. Personne ne peut être contre l'aide aux pauvres, malgré des différences idéologiques souvent importantes. Ce livre met de l'ordre dans cette réalité déroutante. Il explique la place de la pauvreté dans l'ordre politique et social, mondial et européen, comment le thème de la pauvreté est utilisé pour contourner son éradication et comment la pauvreté est créée, jour après jour. Le monde d'aujourd'hui est une usine à pauvreté. D’autres options doivent être envisagées car la pauvreté n'a pas le droit d'exister dans le monde riche où nous vivons. Rendons la pauvreté illégale !
Car, malgré toutes les promesses solennelles, les taux de pauvreté ne diminuent pas vraiment, à quelque niveau que ce soit. Il existe de nombreuses façons de contourner la réduction de la pauvreté, et cela tient souvent à l'absence de pouvoirs permettant de remédier au manque de revenus des personnes démunies. C’est ce qu’explique le chapitre deux, qui examine également la base théorique de mes thèses. À la fin du siècle dernier, la vision de la pauvreté étudiée et combattue dans les pays d'Europe occidentale tels que la Belgique, la France ou le Royaume-Uni, ainsi que dans de nombreux pays d'Amérique latine, s'est considérablement modifiée. En outre, au sein de la catégorie des pauvres, on commence à mettre l'accent sur des groupes spécifiques, tels que la "féminisation" de la pauvreté ou la "pauvreté infantile". Les pauvres sont de plus en plus contraints d'entrer dans une catégorie distincte et, au sein de celle-ci, on commence à chercher "les plus pauvres parmi les pauvres". Si cela s'accompagnait de politiques sociales générales qui n'oublient pas tous les autres, il n'y aurait pas de problème.
En outre, la recherche sur la pauvreté s'intéresse de plus en plus à de nombreux aspects "multidimensionnels". C'est particulièrement intéressant pour mieux comprendre le phénomène et voir ce qui se passe dans une société. Cependant, c'est moins utile si l'on veut vraiment lutter contre la pauvreté car, quelle que soit la manière dont on l'envisage, dans toute économie de marché - où les gens ont besoin d'argent pour acheter des biens et des services - la pauvreté est avant tout un déficit de revenu. Je l'explique au chapitre 3. C'est un sujet délicat qui rencontre toujours des résistances, mais les arguments sont solides comme le roc. Cela ne signifie toutefois pas que ce déficit de revenu ne peut être résolu que par des prestations ou des salaires, mais qu'un revenu adéquat devrait toujours être le premier et le dernier objectif de toute réduction de la pauvreté digne de ce nom. Les personnes doivent pouvoir retrouver leur autonomie et leur dignité, et cela ne peut se faire qu'avec l'autosuffisance couplée à la solidarité.
Lorsque j'ai commencé à faire des recherches sur la pauvreté il y a 30 ans, j'ai été principalement influencée par quelques études historiques et sociologiques, Georg Simmel, Bronislav Geremek, Philippe Sassier et le "Handbook" d'Else Oyen. Elles expliquent parfaitement le rôle que peut jouer le thème de la pauvreté en politique. Les théories de ces auteurs correspondent parfaitement à ce que j'ai vu et lu dans les documents de la Banque mondiale et d'autres institutions internationales. La "réduction de la pauvreté" était déployée contre les États sociaux et contre un projet de développement collectif et national. C'était l'époque où l'on croyait à la mondialisation qui allait créer un monde sans pauvreté. Une analyse approfondie de tous les documents m'a appris que cette "réduction de la pauvreté" était précisément la pièce maîtresse du néolibéralisme. Cela ne m'a jamais quitté.
Francine vit à Bruxelles mais passe le froid des hivers européens dans la ville de l'éternel printemps, Cuernavaca, au Mexique.