Galleria Continua est ravie de présenter l’exposition collective Pièces à vivre, incluant des œuvres d’Ai Weiwei, Juan Araujo, Alejandro Campins, Yoan Capote, Loris Cecchini, Chen Zhen, Nikhil Chopra, Jonathas de Andrade, Leandro Erlich, Subodh Gupta, Eva Jospin, Julio Le Parc, Jorge Macchi, Sabrina Mezzaqui, Hans Op de Beeck, Ornaghi & Prestinari, Giovanni Ozzola, Susana Pilar, Michelangelo Pistoletto, Arcangelo Sassolino, Manuela Sedmach, Serse, José Antonio Suárez Londoño, Pascale Marthine Tayou, Armando Testa, Nari Ward, Sislej Xhafa, et José Yaque.

Depuis ses débuts, le premier espace parisien de Galleria Continua s’est démarqué par son implantation singulière: une ancienne boutique de grossiste en maroquinerie, semblable à une maison traversante, nichée au cœur du Marais. Dès son ouverture en 2021, la galerie bouscule les codes d’exposition traditionnels en se métamorphosant d’abord en supermarché avec Truc à faire, exposition inaugurale conçue par JR en pleine pandémie, qui présentait un coin épicerie au sein de l’espace d’exposition. Elle enrichit ensuite son espace en 2022 avec l’ouverture d’un café et d’une librairie, avant d’inaugurer en 2024 le Cinema Continua, un espace au soussol dédié à la diffusion des œuvres vidéo des artistes représentés par la galerie. Grâce aux travaux réalisés par l’agence d’architectes MBL, l’architecture même du lieu conserve les traces de son passé: l’ancien carrelage et les bribes de papiers peints témoignent d’une mémoire préservée et d’un vécu tangible. La galerie reste fidèle à elle-même et à son objectif de créer une continuité temporelle entre passé et présent, offrant un espace authentique où art et vie se mêlent.

C’est dans cette dynamique hybride que s’inscrit Pièces à vivre : une exposition imaginée comme une maison d’art, où chaque salle se transforme en pièce domestique réinventée. On y retrouve les espaces familiers du quotidien — salon, cuisine, salle de bain, couloir, chambre d’enfant, chambre parentale, et dressing — auxquels s’ajoutent, dans l’esprit d’une maison fantasmée et élargie, aménagée selon des principes esthétiques plutôt que fonctionnels, un observatoire, une bibliothèque (intégrant la librairie de la galerie au cœur du parcours d’exposition), une cour, une salle de sport et un bureau.

Ce choix curatorial en matière de scénographie vise à brouiller les frontières entre l’art et le quotidien, invitant le public à pousser la porte de la galerie, à flâner, à prendre le temps de découvrir des œuvres venues des quatre coins du monde dans un cadre accueillant, comme si on était chez soi.

Dans cette maison fictive pensée pour être arpentée à hauteur d’émotion, chaque œuvre dialogue profondément avec l’espace qui l’accueille, tout en révélant des fragments de récits personnels ou collectifs. Certaines œuvres investissent des lieux symboliques de l’intimité, d’autres résonnent avec les gestes du quotidien.

En posant l’impossible question de l’identité de ses occupants, Pièces à vivre explore ce qui façonne nos présences et nos absences, tisse nos liens - entre rêves et souvenirs, peurs et désirs, aspirations secrètes - et propose une narration en creux, faite d’indices, de silences et de projections.

Chacune des œuvres transforme subtilement la pièce qu’elle occupe, lui donnant une densité nouvelle, souvent poétique, parfois critique.

Dans la chambre parentale, Bedroom du duo Ornaghi & Prestinari met en scène un lit minimaliste, inspiré du récit Aventure de deux époux d’Italo Calvino. Un couple, séparé par des horaires de travail opposés, ne parvient plus à se croiser. Lorsqu’une des deux lumières est allumée, l’autre s’éteint, traduisant de manière poétique cette tension douce entre proximité et éloignement, présence partielle et intimité entravée propre à la vie partagée.

La cuisine, cœur vivant de toute maison, accueille Untitled (2023) de Subodh Gupta: un meuble de rangement recouvert de louches, d’assiettes et d’ustensiles en métal, surplombé d’un hologramme de cocotte fumante. L’artiste transforme ces objets quotidiens en reliques sacrées, évoquant la mémoire familiale, le soin, la ritualité et la beauté des gestes domestiques.

Au milieu du salon, la table basse Public morality d’Arcangelo Sassolino ploie sous le poids d’une pierre, trouvant un équilibre subtil entre résistance et flexibilité de la matière. À l’arrière-plan, la toile de José Yaque prolonge cette réflexion autour de la matière, en évoquant les nuances minérales de la pierre et en révélant les strates qui la composent.

Dans la chambre d’enfant, Broadway boogie woogie d’Ai Weiwei revisite Mondrian à l’aide de briques Lego. Le jeu devient ici matière critique: l’œuvre interroge la reproductibilité de l’art, la standardisation visuelle, et questionne le rapport entre avant-garde et culture populaire. L’enfance, terrain d’expérimentation libre, devient le support d’une réflexion artistique nuancée.

Dans la cour intérieure, Eva Jospin installe Balcon. Détourné de sa fonction première, celle d’ouvrir l’espace vers l’extérieur, le balcon s’intègre ici à l’intérieur de la galerie. Une inversion poétique qui brouille les frontières entre nature et architecture, entre dedans et dehors, et suggère une architecture rêvée, végétale, suspendue.

Au fil de ce parcours, l’exposition déploie une vision sensible et incarnée de l’art. Pièces à vivre s’inscrit dans une volonté claire: ouvrir l’accès à l’art contemporain, non pas en le simplifiant, mais en l’ancrant dans ce qui nous est proche, dans les objets, les espaces et les gestes du quotidien. Elle nous encourage à repenser la place de l’art dans nos vies, non comme un objet distant ou décoratif, mais comme un compagnon de pensée, d’émotion et de regard. La galerie devient maison, la maison devient œuvre.