Galerie Chantal Crousel est heureuse de présenter Partituras, la nouvelle exposition de Gabriel Orozco, réunissant une sélection d’œuvres récentes sur papier et de peintures réalisées entre Paris, Tokyo et Mexico.

Ce corpus approfondit l’exploration de l'artiste autour du rythme et de l’abstraction à travers un processus où la musique devient une méthode structurant chaque composition. Partituras se déploie progressivement : de l’improvisation à l’enregistrement, puis au dessin et enfin à la peinture. Intitulées d’après le lieu, la date et l’heure auxquels chaque mélodie a été enregistrée au piano, ces œuvres recèlent un code discret, où le son se traduit en forme et en couleur.

L’historienne de l’art Briony Fer observe : « Il y a donc quelque chose d’intentionnellement décalé, voire d’inattendu dans ces nouveaux tableaux de Gabriel Orozco qui évoquent l’alliance originelle entre abstraction et musique, une alliance clairement exprimée par des peintres comme Kandinsky et Kupka qui s’intéressaient au son de la couleur et aux possibilités de la vibration chromatique en peinture. »

Cette tension entre structure et intuition est au cœur de Partituras. Le projet ne commence pas dans l’atelier, mais bien au clavier. Comme l’explique Briony Fer : « Gabriel Orozco a associé cette partie du processus à des sensations particulières en « dessinant » avec ses mains sur les touches. Il a enregistré ses improvisations, qui ne duraient généralement que quelques minutes, puis envoyé ses enregistrements à un musicien professionnel qui en a transcrit les notes avant de les imprimer sur une partition pour piano. Tous les courts morceaux créés par l’artiste ont été traduits de cette façon, avec des notes réparties sur les cinq lignes horizontales de la portée – le pentagramme –, conformément aux traditions de la notation musicale. Ensuite, la partition a été traduite en un dessin schématique, lui-même transposé sur un tableau. Selon le système à quatre couleurs de l'artiste – rouge, blanc, bleu, doré –, chaque tableau correspond à un morceau de musique particulier, même si celui-ci a été largement adapté et transformé en chemin. »

Il ne s’agit pas de transcriptions littérales ni de notations traditionnelles, mais de structures superposées où le geste et la couleur résonnent ensemble. Partituras évoque également des récits plus vastes et plus complexes de l’abstraction. Briony Fer souligne combien le projet réactive non seulement les affinités spirituelles entre musique et peinture, mais aussi leurs intersections plus critiques et transgressives : « Il y a une certaine symétrie entre la façon dont Barthes qualifie le fait de jouer assis au piano comme la partie la plus « musculaire et manuelle » de la musique, et celle dont Gabriel Orozco compare le piano au dessin, qui est sans doute aussi la partie la plus « manuelle » de l’art (c’est résolument le cas dans sa propre pratique). »

Les dessins ponctuent le projet. Ils sont réalisés « […] en dehors de ce processus comme des « fictions », parce que ceux-ci n’ont aucun rapport direct avec le son ou la mélodie de ses morceaux de piano. Détachés des règles strictes de codification de la peinture, ils paraissent plus improvisés. »

Dans plusieurs œuvres, des cercles, faisant office de notes de musique, apparaissent comme des constellations miniaturisées, suspendues entre les cinq lignes de la portée. Briony Fer les décrit comme : « une mise en abyme où les éléments familiers du langage géométrique de l’artiste se dispersent sur la toile et « flottent » dans les espaces entre les lignes. [...] portée par les lignes horizontales du pentagramme, ou ce que l'artiste appelle judicieusement « l’horizon linéaire ». Les bandes de couleur font plus penser à des textiles et à du fil qu’à des circuits rotatifs. Paradoxalement, malgré ce qu’on pourrait considérer comme un excès de complexité emplissant la surface picturale, ces œuvres posent des questions sémiotiques fondamentales sur la manière de peindre qui paraissent très improbables à notre époque. […] Ces tableaux sont donc imprévisibles, car entièrement sensibles à leur environnement et au temps qui passe. »

Dans Partituras, le dessin, la musique et la peinture se rencontrent comme des langages parallèles, tactiles, temporels et spéculatifs. Chaque œuvre devient une surface où un son a résonné et où il peut, à nouveau, être imaginé.