La galerie Karsten Greve a le plaisir de présenter Constellations, une exposition personnelle de Ding Yi, figure majeure de l’abstraction contemporaine chinoise. La galerie accompagne l’artiste depuis 2006, entretenant depuis près de deux décennies une collaboration régulière. Représenté dans les plus grandes institutions internationales, Ding Yi bénéficie d’une reconnaissance critique et muséale d’envergure, avec de nombreuses expositions à travers le monde. Depuis la fin des années 1980, il façonne une œuvre exigeante et singulière, construite autour d’un motif unique : la croix. L’exposition réunit une sélection d’œuvres récentes sur une large diversité de supports, introduisant l’étoile comme nouvelle variation de son vocabulaire cruciforme.

Déclinée sous différentes versions, la croix est répétée inlassablement depuis le début de sa série Appearance of crosses en 1988. Comme une tapisserie infinie, tissée point après point, elle s’étend sur chaque toile avec rigueur et régularité. Ding Yi explore le signe orthonormé, en une quête éternelle autour de sa stabilité géométrique et de sa capacité à générer du sens sans en porter. Il aime d’ailleurs à le rappeler : « la croix ne signifie rien et renferme en même temps une foule de choses ».

Son vocabulaire visuel évoque les codes de l’imprimerie, les constellations nocturnes, ou les réseaux d’une ville en surplomb. Shanghai, où il vit, traverse toute son œuvre comme une pulsation souterraine, avec ses lumières, son rythme et sa densité urbaine. La perception est centrale à sa démarche : sans narration ni centre, ses toiles sollicitent le spectateur, immergé dans une trame visuelle dense, hypnotique, où toute tentative de sens se dissout au profit du ressenti. Le terme appearance suggère cette vision active, cette vibration qui émerge lentement du motif.

Un tournant significatif dans son œuvre s’opère en 2022, lors d’une résidence et exposition à Lhassa, au Tibet. Plus de trente ans après un premier voyage en 1989, concomitant au début de sa série Appearance of crosses, l’artiste « revient aux origines ». Loin du tumulte de la mégalopole, Ding Yi redécouvre une temporalité différente, un autre rapport à l’espace et au sacré. Il y expérimente pour la première fois l’usage du bleu comme couleur dominante, inspiré par les ciels immenses qui dominent les plateaux du toit du monde. Il travaille sur papier tibétain artisanal, dont la texture irrégulière devient un terrain vivant pour son geste. Surtout, il introduit un nouveau signe dans sa grammaire visuelle : l’étoile. Ce motif hybride, entre croix et astre, évoque autant les constellations que le vajra, symbole sacré du bouddhisme. À travers cette apparition, sa peinture récente s’ouvre à une dimension plus spirituelle, presque rituelle.

Son langage formel strict s’enrichit d’une grande variété de supports et médiums. Toiles, panneaux de bois, papiers faits main ; leurs différentes textures et irrégularités influencent la composition. Parfois, l’artiste applique jusqu’à vingt couches de peinture avant d’inciser ou de déposer les croix ; ailleurs, il travaille à la craie, au fusain, avec des pigments fluorescents ou métalliques, use de pochoirs et tampons.

Plus qu’une syntaxe picturale, Ding Yi invite à une expérience sensorielle intense, à un abandon au rythme du signe, où chacun peut tracer sa propre constellation. « Ne cherchez pas le sens de l’image. Regardez, ressentez, observez par vous-même. »