La galerie Karsten Greve a le plaisir de présenter une exposition dédiée à l’artiste allemand Norbert Prangenberg (1949-2012). Auteur d’un langage plastique échappant aux catégories, il explore peinture, dessin et sculpture avec la même intensité gestuelle et sensorielle. L’exposition propose une redécouverte de cet artiste essentiel à travers une sélection de pièces emblématiques qui révèlent toute la richesse de son oeuvre protéiforme et puissante.

Oscillant entre géométrie et organicité, l’univers de Prangenberg semble à première vue dominé par des formes libres et sauvages, qu’il s’agisse de ses sculptures comme de ses peintures. Pourtant, son vocabulaire repose sur des structures élémentaires : cercles, rectangles, triangles, et cylindres guident son geste. Ses sculptures prolongent naturellement ses compositions picturales en déployant les formes géométriques dans l’espace.

Le monde naturel infuse également son travail. Les formes florales stylisées, la sensualité de l’argile, la composition de volumes évoquant des organismes vivants nourrissent une oeuvre intuitive. Sa palette, subtile et pulsante, balance entre les tonalités de la terre et l’éclat du monde végétal. Le choix récurrent du titre Figur pour ses sculptures suggère moins une figure humaine qu’une forme, une entité en dialogue avec le monde.

La pratique de Prangenberg, caractérisée par une physicalité vibrante, se distingue par un rapport instinctif et expérimental à ses matériaux. Ses peintures, souvent denses et texturées, semblent sculptées plus que peintes. Avec ses petits formats sur cuivre ou zinc, il tire parti de la transparence que permet la superposition d’huile sur ces supports, faisant émerger une matière picturale lumineuse.

Gerhard Storck, historien d’art allemand, dira en évoquant son travail : « Les tableaux de Norbert Prangenberg sont des nénuphars. On ne voit pas tout de suite qu'ils ont des racines profondes car la couleur flotte librement à la surface. »

Né en 1949 à Nettesheim en Allemagne, Norbert Prangenberg s’impose comme une figure marquante de l’art contemporain. Après des études en orfèvrerie et à l’École des arts appliqués de Düsseldorf, il se consacre aux arts visuels dans les années 1980, notamment à travers ses imposantes sculptures en céramique. C’est aussi à cette période que débute sa collaboration fidèle avec Karsten Greve. Dans les années 90, Prangenberg collabore avec la Manufacture de Sèvres, puis, professeur à l’Académie des beaux-arts de Munich dès 1993, il y dirige l’atelier de céramique et de verre mondialement célèbre, jusqu’à sa mort en 2012. Son oeuvre a marqué des événements internationaux tels que la documenta 7 en 1982 et la Biennale de Sydney en 1986. Ses pièces sont conservées dans les collections publiques prestigieuses comme celles du Museum Ludwig et du Museum Kolumba à Cologne, de la Kunsthalle de Brême ou du Sammlung Hoffmann de Berlin.

Souvent de grand format, ses sculptures évoquent des formes archaïques et symboliques, telles des amphores ou totems hybrides qui paraissent à la fois ancestraux et résolument contemporains. L’artiste se fait héritier d’une pratique de la céramique qui le rapproche de Lucio Fontana, dont il découvre le travail à la Galerie Karsten Greve.

Il rejoint Fontana par la tension entre le geste et la surface, le souffle baroque qu’il insuffle à la matière. Sa fascination pour cette dernière – qu’il griffe, incise, modèle avec une énergie presque tellurique – se double d’une dimension plus intérieure, presque spirituelle. Chez Prangenberg, les oeuvres ne sont pas construites selon un plan préétabli, elles croissent d’elles-mêmes, chacune selon sa propre logique organique, à la manière de formes vivantes.

Il ne cherche pas à dominer la matière mais à collaborer avec elle. Les crevasses, les aspérités, les volumes informes ne sont pas effacés, au contraire, ils deviennent le vocabulaire même de l’oeuvre.