Notions of time est une exposition complexe et profondément stratifiée. Les sculptures ne sont pas seulement des œuvres d’art physiques, mais semblent aussi encapsuler des récits denses et des liens symboliques avec l’histoire, le patrimoine et l’environnement. L’expérience que propose Terrence Musekiwa est une méditation sculpturale sur la relation de l’humanité au temps, à l’héritage et à la transformation.
Au cœur de l’exposition se trouvent des têtes de pierre sculptées dans de l’opale, de la serpentine, du marbre et de la pierre de springstone — des matériaux choisis non seulement pour leurs qualités visuelles, mais aussi pour leur charge métaphorique. Chaque pierre, avec sa texture unique, sa couleur et son histoire géologique, devient un réceptacle de mémoire ancestrale et d’identité culturelle.
À leurs côtés apparaissent d’anciens téléphones à cadran,, désormais obsolètes — déconnectés de leur fonction, mais résonnant encore d’une forte charge historique. Autrefois icônes de modernité, ils se dressent à présent comme des reliques d’une époque révolue, marquant les transformations de la communication qui reflètent le parcours du Zimbabwe, de la Rhodésie coloniale à l’indépendance. Juxtaposés aux têtes de pierre, ces téléphones incarnent la tension entre tradition et modernité, entre héritage et rupture.
D’autres matériaux — câbles internet, cuivre, laiton, coquilles de cauris, pierre de Springstone, balles, bijoux, plastique dur, jaspe rouge — viennent enrichir la symbolique. Le jaspe rouge, que les anciens considéraient comme une pierre sacrée, liée à la protection, au courage et à la sagesse, confère aux œuvres une dimension rituelle. Jadis talisman des guerriers, il portait en lui une promesse de force et de guidance spirituelle.
Les cauris, autrefois utilisés comme monnaie à travers l’Afrique, sont transformés ici en jetons de valeur héritée et d’échange temporel — la manière dont nous dépensons, économisons et transmettons le temps à travers les générations.
Les métaux tels que l’aluminium, intégrés dans les sculptures, pourraient quant à eux représenter l’intrusion de la mondialisation et de l’industrialisation dans les modes de vie autochtones, et des relations complexes entre technologie, environnement et mémoire. L’inclusion de compteurs d’eau — outil domestique du quotidien — ancre davantage le récit dans l’expérience vécue, montrant comment même le banal est façonné par les grandes forces de l’histoire, de l’industrie et du changement écologique.
La tapisserie en soie, évoquée comme une "couverture d’héritage", symbolise la transmission : la manière dont le passé enveloppe le présent, apportant à la fois des dons et des responsabilités. Cette métaphore suggère chaleur et poids, confort et fardeau. Elle devient un symbole de la transmission, un rappel que l’héritage n’est jamais seulement un cadeau, mais aussi une responsabilité portée à travers le temps.
L’ensemble des œuvres, présentées comme une installation collective où chaque pièce conserve son individualité tout en contribuant à un tout cohérent, incarne l’idée d’interconnexion. Chaque sculpture évoque un moment précis, mais c’est ensemble qu’elles composent un récit dense, où se croisent histoire personnelle, héritage culturel et mutation technologique.
Le thème central de l’exposition suscite une réflexion sur les tensions entre passé et présent, sur la nature éphémère de la technologie, et sur l’impact durable du patrimoine.
(Texte par Terrence Musekiwa)