Cette année, le prix Nobel de la paix a été attribué à Maria Corina Machado. Surnommée la libératrice par ses partisans, elle s’est vue récompensée de ses efforts « en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». En 2024, elle avait déjà remporté les prestigieux prix Vaclav-Havel et Shakarov pour ses prises de position au Venezuela. Selon Jørgen Watne Frydnes, le président du comité Nobel norvégien, Machado :
est l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps.
Il ajoute qu’elle :
est une figure clé au sein d’une opposition politique qui a trouvé un terrain d’entente dans la revendication d’élections libres et d’un gouvernement représentatif.
Cependant, le positionnement de Maria Corina Machado est sujet à controverse. Figure incontournable du paysage politique vénézuélien, elle affiche un radicalisme certain dans sa lutte contre le président actuel, Nicolas Maduro, dont elle ne reconnaît pas la dernière élection. À ce titre, elle vit en clandestinité du fait des poursuites engagées contre elle par le gouvernement du Venezuela. Machado représente la frange dominante et intransigeante de l’opposition, qui refuse tout principe de négociation avec le gouvernement chaviste en place. Au-delà des moyens démocratiques, elle se montre favorable à l’insurrection dans la rue, voire à une intervention militaire extérieure. Elle soutient en ce sens la présence de l’armée américaine dans les Caraïbes et aux abords du Venezuela en particulier.
La trajectoire politique de Maria Corina Machado, issue de la haute bourgeoisie, s’amorce au début des années 2000. Elle contribue au coup d’État du 11 avril 2002 contre Hugo Chavez, au cours duquel Pedro Carmona prend le pouvoir pendant 48 heures. Machado signe le décret Carmona qui dissout l’Assemblée nationale et destitue les responsables politiques élus. Cette opposition farouche constitue la matrice de son engagement partisan. Par la suite, elle lance un référendum révocatoire contre Chavez en 2004, puis, devenue députée en 2010, elle adresse des invectives au président en exercice.
Battue lors des primaires de la droite en 2012, Maria Corina Machado les remporte triomphalement en 2023. Toutefois, le Tribunal suprême de justice invalide sa candidature à l’élection présidentielle et la rend inéligible, à l’instar d’un autre opposant majeur, Henrique Capriles, en 2017. Machado poursuit alors son combat tant sur le plan national qu’international. Partisane d’une économie libérale, elle partage les vues de Javier Milei, notamment en matière de politique étrangère. En outre, elle apporte un soutien franc à Benyamin Netanyahou et se rapproche du républicain Marco Rubio, aujourd’hui secrétaire d’État des États-Unis, voire de Donald Trump.
La réaction de la Maison-Blanche vis-à-vis de la victoire symbolique de Maria Corina Machado a néanmoins surpris. Le communiqué publié a ainsi exprimé une réserve forte :
Le président continuera d’établir des accords de paix, de mettre fin aux guerres et de sauver des vies. Il a un cœur d’humanitaire et personne d’autre que lui ne peut renverser des montagnes à la seule force de sa volonté. Le comité Nobel a mis la politique au-dessus de la paix.
Ces propos traduisent la frustration de Donald Trump1, qui n’avait pas caché son désir de remporter le prix cette année.
L’attribution du Nobel de la paix à Maria Corina Machado apparaît malgré tout comme une manière de récompenser le président américain aux yeux de divers observateurs. La lauréate a ainsi dédié son prix « au peuple qui souffre », mais également à Donald Trump, dont elle soutient la politique caribéenne. Machado l’a personnellement joint par téléphone afin de lui rappeler la convergence de leurs intérêts. Par conséquent, le choix d’une opposante au régime vénézuélien revient à légitimer l’action de Trump.
Depuis août 2025, le locataire de la Maison-Blanche a déployé la quatrième flotte des États-Unis dans la mer des Caraïbes au prétexte de lutter contre le narcotrafic. À la mi-octobre, cinq navires ont été détruits par les troupes étatsuniennes au large des côtes vénézuéliennes, coûtant la vie à 27 personnes au total. Donald Trump semble opter pour une stratégie de changement de régime, voulue depuis longtemps par Marco Rubio. Si une guerre ouverte entre les États-Unis et le Venezuela n’est pas d’actualité, l’inquiétude grandit dans la région.
Avant Maria Corina Machado, six Latino-Américains ont obtenu le prix Nobel de la paix : Carlos Saavedra Lama, diplomate argentin et médiateur du conflit du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay (1936) ; Adolfo Pérez Esquivel, artiste argentin et responsable pendant la dictature militaire de l’organisation Paix et justice2 (1980) ; Alfonso Garcia Robles, diplomate mexicain et inventeur du traité de Tlatelolco visant à dénucléariser l’Amérique latine (1982) ; Oscar Arias Sanchez, président du Costa Rica et artisan de la paix en Amérique centrale (1987) ; Rigoberta Menchu, militante guatémaltèque des droits3 des autochtones (1992) ; Juan Manuel Santos, président colombien et initiateur du traité mettant fin au conflit militaire avec les FARC (2016).
Notes
1 Trump-Harris : on refait le match.
2 Les organisations non gouvernementales : quésaco ?
3 Le droit international humanitaire : quésaco ?















