L’édition 2025 de l’US Open a confirmé l’avènement d’un Nouveau Monde. Monopolisant les tournois du Grand Chelem ces deux dernières années, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner forment un duumvirat tyrannique lancé à la conquête des sommets et des records.
Duel latin au sommet
Carlos Alcaraz a brillamment remporté l’US Open pour la deuxième fois de sa carrière. À vingt-deux ans seulement, il compte six titres du Grand Chelem, à l’instar de Stefan Edberg et de Boris Becker. Son palmarès fourni et varié le situe d’ores et déjà parmi les plus grands joueurs de tous les temps1. Il lui reste à conquérir l’Open d’Australie, où il n’a jamais dépassé les quarts de finale, les ATP Finals, voire les Jeux olympiques à plus long terme.
Jannik Sinner vit une année 2025 contrastée. Finaliste des quatre tournois du Grand Chelem, deux fois vainqueur, il a affiché une régularité sans faille dans les rendez-vous majeurs. La suspension de trois mois pour dopage ayant entaché son début de saison n’a guère ralenti le rythme infernal de son jeu et de ses succès. Néanmoins, tel Roger Federer confronté naguère au jeune Rafael Nadal, Sinner écrase aussi souvent ses adversaires qu’il bute sur sa némésis, Alcaraz. Le bilan des Sinal est sans appel : dix victoires à cinq pour le joueur espagnol. L’évolution des confrontations entre le nouveau Big 2 dessinera la dramaturgie des saisons à venir.
Le chant du seigneur
Novak Djokovic porte beau ses trente-huit ans. Il a repoussé les limites de l’âge pour atteindre les demi-finales des quatre tournois du Grand Chelem en 2025. Outre un abandon à l’Open d’Australie, il s’est fait sèchement barrer la route par Sinner à Roland-Garros et à Wimbledon, puis par Alcaraz à l’US Open. Le champion serbe apparaît irrémédiablement dépassé sur les plans de la puissance et de l’endurance. À défaut de prétendre à un vingt-cinquième trophée majeur, l’homme de tous les records a chipé un centième titre symbolique à l’ATP 250 de Genève, au printemps. L’heure est venue d’envisager et de soigner sa sortie.
Illusions perdues
En 2021, Daniil Medvedev remportait son premier et unique tournoi du Grand Chelem à l’US Open en privant Djokovic d’un Grand Chelem calendaire. Désormais loin de son meilleur niveau et éliminé au premier tour, le joueur russe cherche un second souffle. Tout aussi caractériel, Stefanos Tsitsipas traverse une même crise de confiance2, lui qui n’a pas dépassé le deuxième tour. Son éclatante victoire à l’ATP 500 de Dubaï en début d’année ne fut qu’un feu de paille. Alexander Zverev faisait lui figure de prétendant au trône à la même période. Il n’a pas su profiter du trimestre d’absence de Sinner et voit s’éloigner ses rêves de grandeur en produisant un tennis trop passif.
Canadiens intermittents
Au même titre que Medvedev, Tsitsipas et Zverev, Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov furent promis aux plus belles conquêtes. Aucun des deux n'a disputé de finale en Grand Chelem à ce jour. Auger-Aliassime a atteint les demi-finales de l’US Open pour la deuxième fois de sa carrière. Après avoir aligné des victoires convaincantes contre Zverev, Rublev et De Minaur, il a offert une résistance honorable à Sinner. Le voilà proche d’un retour dans le Top 10. Shapovalov a lui aussi bousculé le numéro un mondial dans leur rencontre du troisième tour, sans pouvoir le terrasser. Vainqueur de trois titres durant les douze derniers mois, le gaucher flamboyant gagnerait à se stabiliser afin de s’offrir des tableaux plus accessibles dans les tournois majeurs.
Rêves américains
Le tennis américain demeure en quête d’un successeur à Andy Roddick, dernier vainqueur yankee à l’US Open en 2003, et plus encore au duo magique Sampras-Agassi. À l’heure actuelle, Taylor Fritz, Ben Shelton, Tommy Paul et Frances Tiafoe forment un joli tir groupé dans le top 30. Finaliste en titre mais vaincu par un Djokovic finissant, Fritz affiche ses limites au plus haut niveau. Contraint à l’abandon, le surpuissant Shelton, vainqueur prometteur du Masters 1000 de Toronto, se rapproche du sommet. Paul a su optimiser son potentiel au point d’obtenir un accessit dans le top 10 en guise de bâton de maréchal. Tiafoe a fait les belles heures des dernières éditions de Flushing Meadows, mais sa technique singulière limite ses ambitions glorieuses.
Français moyens
Tombeurs respectivement de Medvedev et de Davidovich Fokina, Benjamin Bonzi et Arthur Rinderknech ont animé la première semaine de l’US Open avant de s’affronter dans un duel fratricide au troisième tour. Vainqueur, le deuxième nommé est tombé avec les honneurs face à Alcaraz. Également huitième de finaliste, le vétéran Adrian Mannarino a confirmé son regain de forme. En revanche, les figures de proue que devraient incarner Arthur Fils et Ugo Humbert ne parviennent pas à jouer les premiers rôles. Très attendu, le percutant Fils lutte avec un corps sujet aux blessures, tandis qu’Humbert se contente de jolis coups sur surfaces rapides. Le grand serveur Giovanni Mpetshi Perricard vit quant à lui une saison difficile. Demeure la sempiternelle question : un champion français gagnera-t-il prochainement un tournoi du Grand Chelem ?
Nouveaux espoirs
Contemporain du duo Sinner-Alcaraz, Holger Rune fait figure de troisième homme éventuel tant son talent est grand. Malgré une finale au Masters 1000 d’Indian Wells et une belle victoire à l’ATP 500 de Barcelone, le joueur danois stagne actuellement aux portes du Top 10. Il admet lui-même devoir gagner en régularité afin de viser plus haut. Âgé de moins de vingt ans, Joao Fonseca est l’actuel grand espoir du tennis mondial. Il a démarré la saison pied au plancher en remportant un premier titre à l’ATP 250 de Buenos Aires, ainsi que deux autres en ATP Challenger. Le joueur brésilien a par la suite freiné le rythme de sa progression, en attendant qu’un Henry Bernet, lauréat de l’Open d’Australie junior3, vienne se mêler à la meute des jeunes loups.
Notes
1 Top 16 des plus grands joueurs de l’ère ATP.
2 Dominic Thiem, entre Hercule et Sisyphe.
3 Les enfants de Federer.