Les votants ont donc décidé d'élire Ousmane Dembélé comme 69e lauréat du Ballon d’Or 2025. À 28 ans, il succède à Karim Benzema (2022) et Zinédine Zidane (1998), entre autres, au palmarès et devient ainsi le huitième Bleu à être consacré. Cependant, au regard du classement général, quelques incohérences suscitent l'incompréhension, parfois même l’indignation.
À entendre le grand patron de France Football1, il n’y a pas eu match. Entre le génie, la précocité ou le leadership ajoutés au palmarès, la deuxième option l’a emporté, ce sur l'ensemble des continents. Le suspense espéré n'a donc été qu’un leurre. Surprenant tant les arguments du Catalan étaient solides. Après l'émotion du discours de l'intéressé, il est désormais temps de se pencher sur la hiérarchie instaurée par la centaine de journalistes et tenter d’y comprendre les choix.
Palmer devant Pedri, Donnarumma neuvième
Au niveau du podium, là où le néo-Citizen2 aurait mérité sa présence, c'est bien Vitinha qui s’immisce. Si la décision ne fait pas scandale, il y a tout de même matière à débat. Comment expliquer la rétrogradation du métronome d’Hansi Flick au profit du créateur de Wythenshawe, seulement vainqueur de la Conférence League avec Chelsea et du Mondial des Clubs, dont les statistiques3 se limitent à 18 buts et 14 passes décisives en 52 matchs ? Allez donc expliquer cela aux dirigeants espagnols, qui ont néanmoins réussi à placer deux des leurs dans le Top 10 (Yamal et Raphinha).
Doué et Kvara, les sacrifiés
Les surprises continuent… On peut se demander si les journalistes ont bien pris le temps de suivre les événements. Arrivé au mercato hivernal, le Géorgien a été un des grands artisans du triplé historique quand l’Angevin s'est révélé aux yeux du Vieux-Continent. Sans l'impact de ces deux-là, jamais Dembouz ne peut afficher de tels chiffres en l'espace de quatre mois.
Même problème avec Joao Neves, que Scott McTominay devance d’une place (18e), n’ayant que 13 buts et 4 passes décisives au compteur avec la Serie A en poche. Possiblement meilleur élément du Vésuve, mais à quel moment au-dessus du Portugais ? Le problème est similaire avec Fabian Ruiz, indispensable à la mécanique de Luis Enrique, pointant à la… 24e place, derrière Vinicius Jr et Jude Bellingham, flops de la saison au Real Madrid pour différentes raisons en sus d’Alexis Mc Allister, sorti assez piteusement dès les huitièmes de la reine des compétitions par les soins du lusitanien malgré son titre de champion d’Angleterre.
Plébiscité par manque de cohérence
Avoir modifié le règlement n’a visiblement pas aidé à obtenir un classement final plus logique. Si l'on se met, par exemple, dans la tête du jeune maestro du Barça, difficile de ne pas avoir comme dit-on communément la “gueule de bois” ce mardi matin. À chaud comme à froid, on peut reprocher aux journalistes du scrutin d’avoir cédé à l'inédit, à la sur-performance individuelle alors que rien n’est réalisable sans collectif huilé apportant les offrandes, que l'abattage et le surnombre créés par un Hakimi ou Nuno Mendes ont grandement contribué à la réussite du Vernonnais. Dans une époque ultra-digitalisée et hyper-connectée, les décideurs ont-ils analysé chacun des éléments avant de poser leur jugement ?
Le précédent Benzema, il y a huit ans…
Pour retrouver trace de tels décalages dans l’histoire de la distinction, il faut remonter à l'édition 2016/17 quand la Maison Blanche portée par Zinédine Zidane ne faisait qu’une bouchée de la bien malheureuse Juventus au Millennium Stadium de Cardiff (1-4). Cette saison-là avait marqué la peu flatteuse 25e place de l'acolyte et accessoirement meilleur pourvoyeur de ballons de Cristiano Ronaldo, en plus de ses 24 réalisations. Redevenu propriété de France Football à cette période après cinq années de fusion avec la FIFA, au règlement légèrement différent de l’actuel, on s’interrogeait déjà sur l'objectivité et disons-le : conscience professionnelle ainsi que culture foot des votants en question.
Gyökeres, prix Gerd Müller… derrière Mbappé et Kane
Récompensé du trophée du meilleur buteur européen, 63 buts toutes compétitions confondues avec le Sporting Lisbonne, le nouvel artilleur des Gunners se retrouve, quant à lui, relégué au 15e rang, à deux de l'attaquant du Bayern et à huit (!) de celui des Merengues.
On pourra soulever plusieurs points pour expliquer cela : différence de niveau entre la Liga Portugal et les quatre grands championnats, etc. Il n’en reste pas moins que tout ceci est bien incongru.
Chez les féminines, le triplé de Bonmati devant Kelly
Pendant que Dembélé séchait ses larmes en étant félicité par son dauphin, le tableau féminin affichait aussi une interrogation. (Beaucoup) moins dans la lumière que les hommes - et à tort - Aitana Bonmati a vécu un exercice 2024-25 moins riche qu'espéré. Élue pour la troisième fois d'affilée, dépassant le record de sa compatriote Alexia Putellas (2021, 2022), elle a régné uniquement sur la scène locale, battue en finale de Ligue des Champions par les Ladies d’Arsenal et celle de l’Euro par l’Angleterre de Chloe Kelly, qui ne termine… qu'à la cinquième place. Une polémique est-elle née dans les médias pour autant ? Non. La cheffe d'orchestre blaugrana fait l'unanimité de par son aura sans faire bouger le microcosme.
Pas de problème alors. Réussir l'improbable exploit dont rêve toute joueuse (doublé C1-Euro) ne suffit donc pas pour accrocher le podium et permet en plus d’être devancé par deux Ibères.
En terminant sur une citation mettant relativement les choses en exergue :
À l’heure où la Data et récits viraux façonnent les perceptions, le Ballon d’Or reste ainsi fidèle à son paradoxe : il couronne un joueur, mais trahit parfois le football.
Notes
1 "Il n'y a pas eu de match avec Yamal, Dembélé l'a emporté assez largement".
2 Le PSG champion d’Europe : un chef d'œuvre signé Luis Enrique.
3 Cole Palmer.