« De part en part, essentiellement, Anne-Marie Schneider est une dessinatrice. Toutes ses œuvres, quel que soit le médium ou la technique qu’elle utilise (y compris la sculpture ou la peinture, et, entre 1999 et 2007, le film) relèvent du dessin, au sens où elles sont des tracés qui transposent le plus immédiatement sur un support une activité psychique, en même temps qu’elles sont les traces d’un geste physique qui est, pour ainsi dire, l’incorporation de cette activité – que celle-ci trouve sa source dans des événements observés aussi bien que lorsque ces événements sont des souvenirs ou des projections imaginaires, mêlant ainsi monde extérieur et monde intérieur.
Elles constituent des images mais se présentent également, absolument et concrètement, comme les traces d’une subjectivité, que celui ou celle qui les regarde est conduit à observer et, surtout, à rejoindre, pour éprouver à son tour l’émotion qui leur a donné naissance. Chaque marque, chaque élément, de chaque œuvre, apparaît comme la trace de la subjectivité de son autrice, conduisant d’ailleurs à l’interpréter au f iltre de ce que l’on croit savoir de la vie de celle-ci, lui donnant au passage une valeur d’expression qui conduit trop souvent à oublier qu’il s’agit bien d’une création dont la compréhension finale n’a pas de sens en dehors du système et de l’histoire de l’art.
Les hésitations de la ligne, les recouvrements successifs de la couleur, les hoquets de la narration, les hybridations des formes ramènent toujours à une forme de fragilité, à une suspension différée de la conclusion, bref à un caractère constitutivement provisoire qui se place au plus loin des formes définitives et héroïques associées aux mediums qui ne relèvent pas des arts graphiques ».
Ainsi débute le texte d’Eric de Chassey pour la publication monographique* co-éditée par le Musée de Sérignan et la galerie dont la sortie accompagne l’exposition.
« Écriture de bas en haut et écriture allongée, aussi coup d’archet dessinant un cercle en boucle, ne jamais arrêter le temps à l’infini » écrit l’artiste pour accompagner sa 7ème exposition personnelle à la galerie. Allonger les formes, allonger le temps, faire se côtoyer formes et mediums : céramiques, oeuvres sur papier, peintures.
Les céramiques d’Anne-Marie évoquent le « fragile et l’incassable » selon le titre, souvent repris, de l’exposition de l’artiste au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris (2003). La fragilité du modelage s’allie à la violence de l’émaillage dans la technique ancestrale japonaise du raku. Au centre de l’exposition une oeuvre composée d’un ensemble de têtes en céramique exposée au MAM (Mondes Parallèles, 2023 et au Musée de Sérignan (Le cercle est le monde, 2023). Les oeuvres sur papier souvent « au noir » révèlent l’absolue urgence de l’artiste d’aller à l’essentiel. Le modelage de la terre comme le trait sur le papier ou le pinceau sur la toile expriment, avec des formes simples, les grands sentiments humains, la Vie l’amour, la relation à l’Autre...