La galerie Michel Rein a le plaisir de présenter InVisible, la sixième exposition personnelle de Sophie Whettnall à la galerie.
La pratique de Sophie Whettnall, mêle la vidéo, le dessin, la performance et l’installation, s’articule autour d’une exploration continue de la lumière, ses apparitions, ses absences et ses déplacements. Les œuvres, à la fois sensibles et puissantes, prennent forme à travers des gestes physiques, répétitifs et méditatifs, où le temps devient matière.
Avec *InVisible, l’artiste poursuit cette réflexion à propos de ce qui échappe au regard, ou ce qui est peu regardé. L’exposition met en tension présence et effacement, interrogeant les mécanismes de l’hyper-visibilité dans nos sociétés contemporaines. Une tentative de résister au vacarme par le silence, au spectaculaire par la retenue.
D’une rive, l’autre ouvre l’exposition avec une sculpture réalisée à Conflans-Sainte-Honorine, en bord de Seine. Inspirée du paysage visible depuis l’autre rive , proche mais inaccessible, l’œuvre résulte d’un dialogue entre l’espace public et l’espace privé. Sophie Whettnall crée un espace dans l’espace, permettant de contempler ou de revisiter le paysage. Elle y met en tension le monumental et le quotidien, l’intime et le transparent : une opposition féconde où la magie opère.
Cette tension entre perception directe et retrait se prolonge dans une suite d’oeuvres sur satin - Invisible and shifting landscape. Depuis 2022, Sophie Whettnall utilise ce tissu à la fois fluide, réfléchissant et insaisissable, aussi associé au féminin. Elle y imprime des formes discrètes, presque fantomatiques. En jouant avec les ombres et les reflets, l’artiste interroge l’invisibilisation des femmes, de leurs gestes et mémoires. Ces œuvres révèlent autant qu’elles dissimulent, invitant à une attention sensible, en écho aux thématiques de disparition et d’apparition qui traversent toute l’exposition. Ce rapport intime au paysage prend une forme sculpturale avec Layer cake. Chaque sculpture associe un tabouret, un socle, une plaque de cuivre et un rocher de Fontainebleau peint à l’encre de Chine.
Ces compositions, telles une forêt de pierres, évoquent une nature contenue dans l’espace d’exposition. Ces sculptures dialoguent avec une esthétique japonaise du paysage, fondée sur l’observation attentive, la lenteur, la superposition des formes et des matières. La confrontation entre le temps de la nature et celui de l’exposition est ici tangible, dans ces objets stratifiés, où chaque couche inscrit une mémoire, un geste, une tension. Cette logique de couches et de lignes entre en résonance directe avec la série Plaster landscape présentée à l’étage de la galerie.
Là, Sophie Whettnall compose des topographies abstraites à partir de papiers déchirés, créant des paysages mentaux traversés par la mémoire, l’érosion, la perception. Ces œuvres traduisent une même attention à la matière, au fragment, à la lente élaboration des formes, où l’invisible affleure dans les interstices du papier.
Cette recherche se déploie à une toute autre échelle dans Ratrack project, installation vidéo en triptyque. Réalisée lors d’une résidence à la 3D Foundation à Verbier, l’œuvre met en scène un dessin monumental et éphémère tracé dans la neige à l’aide d’une dameuse dont son usage a été détourné pour réaliser cette performance. Ce dessin à l’échelle du paysage engage non seulement un flanc de montagne comme support, mais implique aussi les travailleurs de la montagne qui ont participé au geste. Avec cette collaboration un lien s’est créé. Le résultat, partiellement incontrôlable, se joue à la frontière du visible, entre maîtrise et hasard. Le paysage devient une archive vivante, fragile, éphémère.
Enfin, une peinture murale vient clore l’exposition. Ce wall painting, pensé pour l’espace de la galerie, agit comme une esquisse monumentale, une œuvre en devenir. Il préfigure le grand projet de Sophie Whettnall pour le métro de Toulouse, prévu en 2027. Par ce geste, elle ramène une œuvre pensée pour l’espace public dans le cadre intime d’un lieu d’exposition, bouclant ainsi le parcours initié avec D’une rive, l’autre. L’aller-retour entre espace privé et espace public, entre échelle du corps et échelle du territoire, traverse tout le projet. L’artiste y poursuit son exploration sensible du paysage, de la lumière et du temps, toujours à la limite de ce que l’œil peut saisir.