La pratique photographique de Vincent Lemaire ne consiste pas à prendre des instantanés du monde extérieur mais à générer, dans un atelier aux allures de laboratoire photographique et scientifique, ses propres images qui instaurent leurs propres récit et temporalité.
Dans ce laboratoire, Vincent Lemaire multiplie les expériences. Pourtant, on ne saurait le considérer comme un photographe expérimental. Il ne joue, en effet, pas du photographique, de la lumière et de la chimie, pour pousser plus loin les limites du médium, comme le font nombre de ses contemporains. Il recourt, d’une part, au photogramme, soit l’empreinte en négatif d’un objet posé directement sur du papier photosensible, et, d’autre part, à la photographie argentique conventionnelle mais, le plus souvent, d’écran de son ordinateur grâce auquel il collecte et retouche des images.
Si elles ne sont pas photographiques, de quel ordre sont ses expériences ? Les titres des œuvres produites ces dernières années et ici réunies offrent un indice. Émergence, Émergence matriarcale, Matriarches, Lithopanspermie, Entropie : ce qui anime Vincent Lemaire, c’est la question des origines, du développement et de l’épuisement de la vie. Nourri de théories scientifiques, Vincent Lemaire leur donne une forme poétique en associant différents éléments sortis de son propre tableau périodique.
Le premier de ces éléments est le myxomycète, organisme unicellulaire communément appelé « blob ». Ni animal ni végétal ni champignon, il a la propriété de doubler de taille en un jour. L’artiste en a mis en culture dans des boîtes de Petri avant de les laisser se développer sur des plaques de verre et d’en tirer des photogrammes. Le deuxième est la « Vénus » préhistorique. Représentations originelles du corps humain, plus précisément féminin, ces statuettes ont longtemps été associées, par leur morphologie, à l’idée de fécondité et de maternité. Le troisième est le néon dont Vincent Lemaire fait grand usage depuis une quinzaine d’années. L’artiste en brise les tubes et, à partir de ces segments irréguliers, obtient des photogrammes qui révèlent leur texture invisible à l’œil nu. Le quatrième, enfin, est l’asphalte. Vincent Lemaire en récupère des morceaux dans la rue, les utilise tels quels ou les pose sur un tirage en cours afin de recouvrir partiellement un paysage apparemment vierge de toute présence humaine.
Hors d’usage, vidés de leur gaz, les tubes de néon ne sont plus les sources de lumière qu’ils étaient mais de la matière solide rendue inerte tout comme l’est l’asphalte issu d’hydrocarbures. Le néon et l’asphalte, mais aussi le « blob » et la « Vénus » sont des éléments dont Vincent Lemaire, en cela proche des artistes de l’Arte Povera et de Joseph Beuys, exploite la charge matérielle, énergétique et symbolique.
Dépassant ainsi une approche littérale des images et des objets, Vincent Lemaire peut rapprocher, pour les associer ou les confronter, ces éléments dans des compositions ou, comme il les appelle, des « installations murales ».
(Texte d'Etienne Hatt)