En octobre, Derouillon présente Props, une nouvelle exposition collective organisée par Marion Coindeau et réunissant Uri Aran, Diane Dal-Pra, Tetsumi Kudō, Shuang Li, Liz Magor et Kirill Savchenkov. L'exposition rassemblera des productions récentes et des œuvres historiques.
Le terme Props (substituts) évoque à la fois un objet trompeur et une chose qui sert de support à une autre. Quelque chose qu’il n’est pas, ou pas vraiment, qu’il n’est pas censé être, ou qu’il n’est pas encore. Il joue sur plusieurs niveaux de lecture, sur une volonté de rassembler des œuvres qui ne se laissent pas comprendre au premier abord, qui se dérobent à notre regard. De ce décalage espiègle naît un sentiment d’absence déstabilisant, qui permet aux artistes de faire affleurer les forces de domination et les images qui structurent nos vies quotidiennes.
Les artistes réuni.es dévoilent et perturbent des hiérarchies sociales implicites, révèlent le doute comme instrument politique de déstabilisation et de contrôle, sondent nos relations physiques et émotionnelles avec des objets quotidiens ou jouent avec la trame du langage. Derrière leur apparente douceur ou subtilité, les œuvres laissent parfois une impression grinçante née du décalage entre perception et reconnaissance — une fausse transparence que l’on retrouve également dans les matériaux utilisés. Il s’agit d’habiter cette faille, de révéler les zones de friction entre intimité et médiation, de mettre en lumière la manière dont nos émotions et nos gestes sont utilisés par des systèmes sociaux et technologiques.
Props aborde ainsi l’absence comme une expérience critique à travers laquelle nos perceptions sont réexaminées. Les œuvres réunies dans l’exposition mettent en évidence ces fractures dans le tissu du monde, explorant l’espace intermédiaire où le familier cède la place à l’étrange, et en acceptant que certaines choses nous échappent inévitablement. Comme l’écrit Didi-Huberman dans Ce que nous voyons, ce qui nous regarde : “Ouvrons les yeux pour sentir ce que nous ne voyons pas” — ce qui nous conduit vers une forme de connaissance plus sensible, un espace de réflexion, de remise en question de l’évidence et d’acceptation de la dissidence.
(Texte de Marion Coindeau)
















