Suggérée publiquement dans un premier temps, testée dans les divisions inférieures depuis deux ans en Suède, en Italie et aux Pays-Bas, la réforme du hors-jeu version Tonton Arsène pourrait être entérinée dès février 2026 par la FIFA et l’IFAB, ce qui ne manque pas d’irriter Pascal Dupraz, ne souhaitant pas voir le football tomber dans la dictature des blocs-bas.
Bienvenue dans le dernier article de l'année, qui va nous plonger dans ce qui pourrait grandement cadenasser le jeu, de la part d'une personne ayant œuvré toute sa carrière d'entraîneur-manager à tenter de l'ouvrir et même de l'étirer. Paradoxe, quand tu nous tiens…
Des buts comme s’il en pleuvait
Il en a proposé des choses depuis sa nomination en tant que “directeur du développement” du football mondial à la FIFA en novembre 2019, Arsène. Changer la règle de l'offside (locution chère à nos amis anglo-saxons) était la première. Les autres : jouer les touches au pied.
On pourrait d’abord lui signaler que, durant son activité, que ce soit à Monaco, Nagoya ou Londres, il n'y eut à aucun moment de sa part la volonté de chercher à faire évoluer les lois, étant comme chacun sait dans la recherche de construction, détection des (très) jeunes talents bruts avec un solide souci de possession et évolution.
On pourrait ensuite lui rétorquer que s’il est si enclin à vouloir plus de buts et moins de trêves (faisant référence à la blessure de Robert Lewandowski en 2020 avec le Bayern), il peut tout à fait apporter ses suggestions à la King's League de Gérard Piqué qui serait sûrement enthousiaste à l'idée qu'on vienne lui souffler dans les narines un concept déjà bien garni en termes de loufoqueries.
Pascal Dupraz, lui, ne s'est pas gêné pour indiquer à RMC son agacement vis-à-vis de ladite réforme. Pour lui, les défenseurs vont évidemment s’adapter, repenser leur manière de travailler et c'est d’ailleurs le plus grand risque dans l’histoire : engendrer le schéma général inverse de l’actuel, à savoir blocs défensifs regroupés, attaques placées stériles et donc, l'impasse, le retour des bons vieux 0-0 des familles en Ligue 1 et Ligue 2, sauce Strasbourg-Lille ou Laval-Dunkerque devant 10 000 spectateurs frustrés du no-show.
Parce qu’il est clairement hors de question pour un entraîneur normalement constitué de laisser un centimètre d'espace à un Erling Haaland, Kylian Mbappé, Harry Kane, Luis Diaz ou autre Nico Paz et les voir ainsi claquer 80 buts chacun sur la saison complète.
Retours et recontextualisation
Les fameux tests (en première phase), opérés dans les divisions mineures, tournois de jeunes scandinaves et transalpins, la Fédération italienne (FIGC) ayant mis à disposition son championnat national des moins de 18 ans (Serie A&B), ont reporté les résultats préliminaires suivants :
(Actuelle règle) : 632 buts en 177 matches, soit 3,571 b/m¹
(Nouvelle règle) : 118 pions en 30 matches, moyenne de 3,933, ce qui représente une augmentation de 0,362 b/m, soit +10%.
Données intéressantes, certes, bien que totalement déconnectées de la réalité quand on sait qu’elles s’appuient sur des compétitions juvéniles, son utilisation et ses conséquences n'ayant aucun rapport avec le monde professionnel, incluant pression du résultat sur joueurs et arbitres, impact de la performance à long terme, enjeux financiers etc.
Recentrons le débat
Parce qu’au fond, les différentes volontés de la légende d’Arsenal génèrent majoritairement, pour le moment, surtout controverses et railleries. Ma contribution² datant du 1er avril 2024, se révélant être tout sauf un poisson, doit nous remettre le vrai problème au devant de la scène. En consultant le débrief de la rédaction de la FFF³, relevant les différentes séquences polémiques de la 4e journée de notre bien aimé championnat en septembre dernier, le Rennes-Lyon avec Stéphanie Frappart dans le car-régie nous a encore donné une sacré preuve de son incompétence devant l’immonde tacle d’Anthony Rouault le Rouge et Noir sur le pauvre Gone Khalis Merah à la 18e minute. Mais il est clair que le sujet n’est pas à l’ordre du jour, et l'expression veut que l'on ne change pas une équipe qui gagne.
Il a raison Pascal
Car loin de n'être que la grande gueule de service et pompier occasionnel⁴ de clubs historiques comme le Téfécé, un samedi soir de mai 2016, l’homme au crâne rasé, frappé de son expérience dans l'élite du foot français, sait mieux que ces messieurs-dames diligentés par les instances jouant les apprentis sorciers que les chiffres ne sont pas une évidence. La L1 et son antichambre étant traditionnellement conditionnées à fermer la boutique, il est compliqué de penser à l'heure actuelle que la méthode Wenger puisse davantage fluidifier le jeu et continuer d’offrir des scores de tennis (le dernier Toulouse-PSG (3-6) ou Nantes-Monaco (3-5) si on compte justement le hors-jeu de Takumi Minamino (27e)), sans attirer les foudres des clubs, pour ne citer qu’eux.
Décision rapide en vue du Mondial ?
Le 20 janvier prochain sera la première vraie échéance avec une réunion annuelle composée de 23 joueurs et 11 arbitres. En cas d’approbation des différents acteurs, elle sera soumise lors de l'assemblée générale prévue le mois suivant, en février.
L’IFAB5 donc, (International Football Association Board [Conseil international du football association]) avec la FIFA, est l’instance mondiale chargée de déterminer, faire évoluer et réguler les règles, fondée en 1886 par les quatre fédérations britanniques (Angleterre, Écosse, Pays de Galles et Irlande du Nord),
Pour faire simple, sa composition est la suivante : chacune a une voix, tandis que la FIFA, quatre. Pour que la proposition soit acceptée, il faut une majorité de six sur huit, garantissant ainsi que les intérêts de tous les partis soient pris en compte. Celle-ci se rassemble plusieurs fois par an pour discuter des diverses évolutions, tenir compte des avancées technologiques (comme le VAR, puisqu'on en a parlé) et adapter les lois du jeu au football moderne tout en respectant son esprit traditionnel et démocratique.
Vous remarquerez que la dernière phrase peut sensiblement faire sourire lorsqu’on se penche sur les dernières décisions ou expérimentations (remplacements de 3 à 5 joueurs, carton bleu), cependant la définition complète oblige à la mentionner.
Idéalisme naïf ou expérience de terrain
Une question, à présent, semble fondamentale, quels personnages forment cet organisme ? Au sein de la fédération mondialement connue, Gianni Infantino et son secrétaire général Mathias Grafstrom, intronisé en 2023 après un court intérim, sont les deux représentants d’un football bureaucratique tel qu’on le connaît depuis sa création en 1904.
Associés à eux, on trouve les représentants des autres nations formant le BOD (Board of Directors [Conseil d'administration]), à savoir Patrick Nelson pour l’IFA, Ilan Maxwell pour la SFA, Mark Bullingham pour la FA et Noel Mooney pour la FAW.
Un classique conglomérat aidé par un panel d'experts que sont le FAP (Football Advisory Panel [Comité consultatif sur le football]) et le TAP (Technical Advisory Panel [Conseil technique]) dont font partie certaines anciennes gloires des 90’s, Sunday Oliseh, Esteban Cambiasso et Paulo Wanchope accompagnés de notre Snake national, Youri Djorkaeff, du Ballon d’Or 2000 Luis Figo et d’un des arbitres références du XXIe siècle, Nicola Rizzoli, entre autres. Le tout soutenu par le TSC (Technical Subcommittee [sous-commission technique]) avec en son sein, la légende du sifflet Pierluigi Collina et le contesté Howard Webb, fait membre de l’Ordre de l’Empire Britannique en 2010 pour services rendus au ballon rond, (rien que ça).
Avec ceci, la branche administrative de l’IFAB, l’ESO (Executive Support Office), chargé de l'encadrement des tests. C'est donc cette assemblée, que l’on peut qualifier d’extraordinaire au vu du passé, des distinctions et compétences des figurants, qui donnera ou pas son aval dans deux mois sur l'avenir du football mondial.
Optimiser plutôt que réformer
Le bon sens voudrait que les protagonistes de cette assemblée se rapprochent des acteurs, de façon à s’immerger au mieux dans le quotidien des institutions de façon à créer du lien et faire preuve de diplomatie pour résoudre au mieux les erreurs, ou devrait-on dire “fautes” des hommes et femmes en jaune, dans le but de faire évoluer les mentalités, malheureusement on sait depuis des lustres que la technocratie décide pour une communauté et qu'on préfère souvent s’en offusquer avant d’accepter.
Si on revient au carton bleu et qu’on en prenne l’exemple, testé depuis au moins aussi longtemps que le hors-jeu méthode Wenger, Collina a déclaré l'année dernière⁶ que ce n'était pas pour tout de suite, autrement dit : une bonne temporisation pour calmer les esprits.
Les lubies de Tonton et consorts feront qu’un beau jour, on finira par supprimer ce fameux hors-jeu, les touches, et pourquoi pas les gardiens, histoire de faire plaisir aux algorithmes de la FIFA et devenir le foot en folie avec des finales de Coupe du Monde à 10-8 sur un sextuplé de Cristiano Ronaldo Jr face à l’Argentine de Thiago Messi. Les diffuseurs en auront alors pour leur argent, brassant des millions à l'occasion.
Et si nous vivions vraiment dans une simulation ?
En attendant, on peut toujours compter sur Pascal pour nous rappeler que le football se joue sur un terrain, pas dans un laboratoire avec PowerPoint.
Notes
1 b/m : ratio but par match.
2 Faut-il vraiment purger le football, et comment ?
3 Arbitrage, le débrief de la J4.
4 L'incroyable causerie de Pascal Dupraz avant Angers-Toulouse.
5 Conseil international du football.
6 Incorrecte et prématurée, la FIFA tempère les informations concernant l'arrivée du carton bleu.















