Rockfon, leader mondial de l'isolation acoustique, décrit dans un article publié le 30 mars 2020 (Acoustique architecturale : des bâtiments esthétiques et performants) l'acoustique architecturale comme étant la science et l’application technique permettant d’obtenir une bonne acoustique dans un bâtiment.

Elle est définie comme l’interaction entre les personnes et le son, à l’intérieur et à l’extérieur, comprenant l’étude des maisons et des bâtiments et la conception de ces structures pour obtenir des performances acoustiques optimales.

La nécessité de cultiver et maîtriser le son dans les espaces privés et publics a permis à de nombreux architectes de réévaluer leurs projets pour un meilleur environnement sonore. Bien que, dans la culture architecturale contemporaine, le son soit souvent relégué au second plan, de nombreuses réalisations dans le sens d'une meilleure acoustique des environnements architecturaux laissent entendre que nous sommes en transition vers une écologie des espaces sonores.

Maîtriser et cultiver le son dans les espaces publics

Parce que l'acoustique architecturale d'un lieu, c’est d'abord ses matérialités, il faudrait avant tout soigner les travaux en optant pour des matériaux respectueux de l'environnement sonore.

Lors d'une interview1 publiée le 23 février 2017 par l'Observatoire de la santé visuelle et auditive, Cécile Regnault, architecte, conceptrice d’environnements sonores, enseignante, chercheure et directrice de l’Atelier de traitement culturel et esthétique de l’environnement sonore, soutient que la personnalité d'un lieu, se traduisant par les matérialités qui lui confèrent son environnement sonore, a une importance fondamentale : Le son de la ville est d’abord celui de ses matérialités, de ses murs, de ses sols. C’est de là que va découler la personnalité sonore d’un lieu.

Elle ajoute : Cette réflexion sur la manière d’apprivoiser le son, de le réinventer et de le personnaliser est récente...Il est temps maintenant que le son ne soit plus pris en compte seulement dans les plans d’urbanisme au titre des contraintes et des servitudes, mais qu’il devienne un élément constitutif du design urbain.

En effet, les nuisances sonores ne se limitent pas à celles qui font du bruit, mais s'étendent à une ambiance générale pouvant être porteuse de désagréments.

Pascal Amphoux, le deuxième interviewé, va plus loin dans l'analyse. Il pense qu'une diversification des espaces sonores, conciliant des environnements sonores vivants et d'autres plus calmes, peut répondre aux besoins des résidents de façon équitable : Je plaide pour une diversification des espaces sonores : dans une ville il faut des espaces calmes et des espaces vivants...Le « calme », la « lutte contre le bruit » ne doivent pas être les seuls objectifs de l’architecte. Certains lieux publics se doivent d’être vivants, réverbérants, tout en restant « vivables » pour les riverains.

C’est une inspiration que les ateliers de l’UNESCO ont matérialisée dans leurs projets de cartographie sonore. Cette cartographie offre aux résidents la possibilité de choisir les environnements sonores auxquels ils aspirent.

C’est l'un des projets qui prépare l'architecture de demain, et qui à cette heure reste encore exceptionnel.

Les difficultés rencontrées

Les nuisances sonores ont poussé de nombreux résidents à se plaindre et à demander des logements plus adaptés.

Les constructeurs du bâtiments et assimilés ont dû tenir compte de ses nouveaux défis pour offrir aux résidents un environnement plus près de leurs attentes et de leurs besoins.

Pourtant, comme l'explicite Cécile Regnault lors de l'interview, il est temps maintenant que le son ne soit plus pris en compte seulement dans les plans d’urbanisme au titre des contraintes et des servitudes, mais qu’il devienne un élément constitutif du design urbain. Nous en sommes encore loin. Le son demeure largement un « impensé » des architectes et des responsables des grands projets urbains.

L'acoustique architecturale en est encore à ses premiers tâtonnements. Pour preuve, le rapport du Conseil fédéral de 2015 regrette que l'aspect visuel prime encore sur l'acoustique, ce qui contraint les constructeurs à revenir plus tard pour compenser les problèmes acoustiques avec des mesures antibruit. L'intégration du son en début de projet nécessite des mesures d'anticipation, comprenant des compétences spécifiques et de la maîtrise.

Dans son article “Les villes en quête d’harmonie sonore”2 publié par Le temps le 2 mai 2017, Olga Yurkina cite les propos de Cécile Regnault sur la question de ces compétences : Les acousticiens sont toujours consultés lors des projets de construction, mais avec quel impact?. Même dans la formation des architectes, les aspects acoustiques restent en marge. Dans un projet idéal, le son et l’image devraient être complémentaires.

Les “aspects acoustiques”, ou la discipline consistant à tenir compte du son dans les travaux architecturaux, méritent de s'institutionnaliser et d’entrer dans les mœurs pour parfaire l'agréabilité des environnements architecturaux.

Le feu vert est donné, et il existe tout de même des structures qui ont pu réaliser les premiers échantillons des environnements architecturaux du futur.

Des réalisations prometteuses

La façon d'intégrer le son dans l'élaboration d'une construction est de prime importance. Elle constitue la première étape du projet.

De plus en plus de professionnels du bâtiment prennent conscience de la nécessité de soigner l'acoustique des environnements résidentiels.

Dans ce sens, les ateliers de l’UNESCO3 rassemblent régulièrement des experts de tous les horizons pour réfléchir à des solutions acoustiques pour le bien-être des résidents. Des échanges ont lieu et des mesures d'amélioration des environnements sonores voient le jour.

L’Observatoire de la santé visuelle et auditive inscrit dans une note d'information : De ces rencontres (entre architectes, paysagistes, urbanistes, acousticiens, ingénieurs du son, compositeurs, designers, industriels, sociologues, anthropologues, artistes et autres) sont nés 11 projets. Plusieurs d’entre eux suggèrent de possibles cartographies du son... D’autres projets croisent la cartographie et la « rythmographie », et visent à évaluer les atmosphères sonores, au fil de la journée, des saisons, de la météo. Certains projets cherchent à mettre en place des outils d’aide à la conception sonore, pour déterminer les formes et matériaux à choisir en fonction du « paysage sonore » que l’on souhaite créer. Enfin, les participants proposent la création d’outils d’évaluation pour que chacun puisse quantifier et qualifier sur le plan sonore, le lieu dans lequel il vit ou travaille.

L'initiative de croiser la cartographie et la "rythmographie" pour évaluer les atmosphères sonores tout le long de la journée est une solution inédite. L'espace urbain est en phase de connaître une réelle transformation.

D'autres professionnels s'inspirent des ateliers de l’UNESCO pour développer des projets de sonorisation respectueux de l'environnement et du bien-être des résidents. Dans son article “Moins de bruit? Non, plus de son!”, publié le 18 janvier 2017 pour espaziu, Marc Frochaux évoque le projet World Soundscape Project de R. Murray Schafer. Ce projet a pour but de sauvegarder les paysages sonores du monde entier, dans un contexte où l'industrialisation, la prolifération des voitures et la musique ambiante constituent une forme de pollution catastrophique.

Au-delà de la question des nuisances sonores, le son peut contribuer au bien-être des résidents, pour peu qu'on en tienne compte davantage dans la planification des constructions et dans la culture architecturale.

Des innovateurs prennent conscience de ces impératifs et commencent à accorder au son toute sa place dans les espaces urbains.

On peut dire qu'avec le traitement de l'aspect sonore dans les projets architecturaux, l'espace urbain verra émerger un cadre qui tend vers un idéal sous tous ses aspects. Cet article avait pour but de mettre en lumière l'importance de l'acoustique architecturale afin que ces projets se développent et se multiplient.

Notes

1 Quand le son façonne l'espace.
2 Les villes en quête d’harmonie sonore.
3 Tous les événements.