C’est en 1768 que le chirurgien Jean-Baptise Darnet découvre un gisement d’argile blanche : le kaolin de Saint-Yrieix près de Limoges. Somptueuse, délicate, brillante, la porcelaine de Limoges atteste vite d’un savoir-faire incontestable devenant incontournable. Elle éblouit le public lors des Expositions Universelles au 19ème siècle. De renommée mondiale, « Limoges » évoque l’art de la porcelaine.

Entretien avec Céline Paul, conservatrice générale du patrimoine et directrice du Musée National Adrien Dubouché à Limoges.

Pouvez-vous vous présenter et nous présenter votre rôle ?

Je suis conservatrice générale du patrimoine et directrice du Musée National Adrien Dubouché à Limoges. J’ai fait des études d’histoire à l’Université et d’histoire de l’art puis je suis entrée à l’Institut national du patrimoine qui est l’école qui forme les conservateurs. Je travaille au Musée National Adrien Dubouché depuis 2005 et je le dirige depuis 2012.

En quoi consiste votre rôle au sein du Musée ?

Mon rôle de directrice est extrêmement varié, je veille à la conservation des collections à leur enrichissement, à leur valorisation auprès du public. Je m’occupe également, en équipe, de l’organisation des expositions, de tous les projets culturels que nous menons. Je suis très étroitement l’activité des porcelainiers puisque nous sommes très liés à cet univers socio-professionnel. Il y a aussi la restauration des collections.

Qu’est-ce qui a orienté ce choix d’étude ?

C’est un goût personnel pour les musées et je crois que j’ai toujours eu un amour des arts décoratifs et notamment pour la porcelaine de Limoges qui est connue dans le monde entier. Ce musée conserve à la fois un patrimoine ancien mais est aussi très lié à un écosystème vivant avec des manufactures actives, des artistes, des laboratoires de recherche.

Quelle est l’histoire de la porcelaine de Limoges ?

La porcelaine de Limoges a plus de 250 ans. Son histoire débute en 1771 avec la découverte des kaolins en Limousin. Le kaolin est une argile très spécifique qui permet de fabriquer de la porcelaine. Une industrie a donc pu se mettre en place et se développer au cours du 19ème siècle et se poursuivre encore de nos jours.

Pourquoi est-ce que la porcelaine de Limoges possède cette renommée mondiale ?

La porcelaine de Limoges s’est toujours adaptée aux évolutions sociales et sociétales ce qui est important pour correspondre aux modes : les précéder ou les accompagner. Elle est si connue car très tôt, dès la fin du 18ème siècle elle a commencé à être exportée en Europe mais aussi aux États-Unis. Ce phénomène va en s’amplifiant. Le fait qu’il y ait beaucoup d’exportation à l’échelle internationale fait qu’au-delà même des frontières françaises le mot « Limoges » évoque, dans le monde entier, la porcelaine. Il y a un phénomène qui l’a accompagné ou qui l’explique, ce sont les grandes Expositions Universelles qui ont eu lieu dans la seconde moitié du 19ème siècle. A cette occasion les porcelainiers de Limoges étaient présents et présentaient des pièces remarquables, de véritables chef-d ’œuvres. Cela a permis d’attirer l’attention sur ces savoir-faire qui ont fait la renommée de la porcelaine de Limoges.

Quelle est la différence entre la porcelaine de Limoges et la porcelaine de Chine ?

Il faut rappeler que la porcelaine est née en Chine au cours du premier millénaire. La quête de la porcelaine en Europe montre la fascination que la porcelaine de Chine a exercé pendant très longtemps sur les européens et notamment en France avant qu’on ne découvre des gisements de porcelaine de kaolins à la fin du 18ème siècle. Limoges a développé son propre style, ses propres usages comme la porcelaine de table notamment, mais aussi la porcelaine décorative, jusqu’à aujourd’hui, des usages également très novateurs dans le domaine médical (prothèses en céramique fabriquées à Limoges).

Quelles sont à vos yeux les plus belles pièces de la collection ?

Le Musée conserve des œuvres qui ont été présentées dans des Expositions Universelles et qui sont souvent des œuvres uniques faites pour éblouir. C’est une singularité de la collection que de présenter des œuvres qui ont cette origine prestigieuse. Nous avons notamment de très beaux centres de table.

Ce savoir-faire a-t-il disparu ?

Il n’a pas du tout disparu c’est ce qui est intéressant. La porcelaine de Limoges est plus dynamique de jamais. En 2017 vous avez l’indication géographique « Porcelaine de Limoges » qui a été adoptée ce qui fait que l’appellation « Porcelaine de Limoges » est désormais protégée au niveau juridique. À Limoges il y a encore de nombreuses entreprises qui transmettent ces savoir-faire. De nombreux artistes viennent à Limoges car ils ont envie de se frotter à la matière porcelaine.

Qu’est-ce qui vous passionne dans cette transmission des savoirs ?

Ce qui me passionne est ce que j’ai trouvé dans mes missions. Ce ne sont pas les raisons pour lesquelles j’avais choisi ce métier car j’étais très attirée par le passé. Finalement mon métier m’a fait aimer cette dimension très contemporaine. J’aime le contact avec les entreprises, avec les artisans qui y travaillent, avec les artistes invités à Limoges. C’est ce côté vivant que l’on n’associe pas toujours au monde des musées qui sont en réalité très perméables. De pouvoir refléter le dynamisme de la création contemporaine dans le domaine de la porcelaine de Limoges est vraiment très gratifiant.