Ce qui frappe dès le premier regard sur les sculptures de Ron Mueck, c’est leur présence physique et le sentiment qu’elles font naître de toucher la réalité de notre humanité alors que l’on est dans la représentation. On est placé dans une sorte d’altérité absolue, face à des individus dont on devine la proximité affective, l’empathie de l’artiste avec les sujets qui les ont inspirés.

Le réalisme propre au travail de Ron Mueck qui tend à un mimétisme parfait, sa grande maîtrise du matériau, la résine de polyester sur fibre de verre et silicone, pour le rendu de la peau, l’utilisation de vrais cheveux pour la pilosité, ne suffisent pas, à l’évidence, à expliquer cette impression.

En effet, ce mystère inhérent à la représentation artistique provient ici du dépassement même de ce réalisme que l’artiste subvertit en modifiant les données de la réalité au moyen de l’échelle, des proportions. Tantôt géantes, tantôt minuscules, les sculptures ne s’imposent pas seulement par leur présence physique mais par leur présence psychologique. L’attitude, la pose, l’expression renvoient à un état mental, une situation apparemment banale mais qui créée, chez le spectateur, un trouble, une inquiétude.

Figées dans l’espace et le temps, elles s’entourent de silence en dépit du récit que l’on tente de construire et d’imaginer à partir d’elles et à partir de notre expérience existentielle intime : la joie, la tristesse, l’inquiétude telle qu’elles apparaissent dans Couple under an umbrella (2013) ou dans Woman with shopping (2013), une maternité contemporaine bouleversante.

Les sujets, la vie, la naissance, la souffrance, la mort, les différents passages de la vie suggérés par les jeux d’échelle, nous renvoient en effet à notre humanité. Ce sont aussi les sujets de la statuaire religieuse à laquelle Ron Mueck fait souvent référence. C’est le cas de Drift, un homme étendu sur un matelas pneumatique, les bras en croix, présenté à la verticale qui fait penser à une crucifixion. C’est également le cas de Youth, un jeune adolescent noir qui regarde sa plaie au côté droit, inspiré par le tableau de Caravage l’Incrédulité de Saint Thomas.

L’espace de la fondation Cartier est pensé de manière à entourer les œuvres d’un vide qui amplifie la part énigmatique qui s’en dégage et qui permet d’instaurer cette confrontation qui fait la force du travail de Ron Mueck.

Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, Boulevard Raspail
Paris 75014 France
Tel. +33 (0)1 42185650
fondation.cartier.com

Photos:
1. Woman with shopping © Ron Mueck Photo © Thomas Salva - Lumento pour la Fondation Cartier pour l'art contemporain, 2013 
2. Atelier de Ron Mueck, janvier 2013 © Ron Mueck Photo © Gautier Deblonde
3. Couple under an umbrella. Montage de l’exposition © Thomas Salva _ Lumento pour la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2013
4. Montage de l’exposition © Thomas Salva _ Lumento pour la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2013
5. Mask II, 2001 Matériaux divers Anthony d’Offay, Londres © Ron Mueck
6. Couple under an umbrella (détail).