Le 1er octobre 2024, Claudia Sheinbaum était élue première femme présidente du Mexique avec le score record de 60 % des voix. Elle a succédé à Andrés Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, son mentor, qui a quitté le pouvoir nanti d’une forte popularité. En outre, son parti, MORENA, le Mouvement de régénération nationale, jouit de la majorité absolue à la Chambre des députés et au Sénat de la République. Sheinbaum dispose ainsi de tous les pouvoirs institutionnels et de la capacité de modifier la Constitution mexicaine.

À l’orée d’un sextennat qui durera jusqu’en 2030, Claudia Sheinbaum a repris le flambeau de son prédécesseur dans une forme de continuité. Son projet global vise à assainir la vie politique de la corruption, réaffirmer la souveraineté du Mexique et à faire rayonner le pays sur la scène internationale. La présidente a augmenté les budgets des programmes destinés aux classes populaires et aux secteurs vulnérables afin de réduire les inégalités sociales. À l’heure actuelle, les chiffres macroéconomiques apparaissent plutôt satisfaisants avec une croissance de 1,7 % et une inflation de 3,7 %. Le taux de chômage officiel de 2,7 % est lui sujet à caution dans un pays où 55 % de la population travaille dans le secteur informel.

Claudia Sheinbaum fait également face au défi majeur de la lutte contre la criminalité. En effet, le Mexique vit une guerre terrible contre le narcotrafic, qui a occasionné plus de 200 000 morts et 125 000 disparus depuis 2006. Par conséquent, la situation sécuritaire est fortement dégradée. Selon les chiffres officiels, la criminalité aurait néanmoins baissé de 25 % avec 87 assassinats par jour avant l’arrivée au pouvoir de Sheinbaum contre 65 aujourd’hui. Ces chiffres ajoutés à l’arrestation de caïds et de narcotrafiquants témoignent d’une volonté de mobilisation dans la gestion des questions de sécurité.

La présidente bénéficie actuellement d’un taux de soutien très important car près de 80 % du peuple mexicain approuve son action. Les mouvements sociaux saluent le caractère progressiste de la politique mise en œuvre. Forte de cette confiance, Claudia Sheinbaum a notamment fait adopter une réforme constitutionnelle controversée visant à l’élection des juges par la population.

La politique intérieure du Mexique est indissociable des pressions exercées par les États-Unis sur le pays. Donald Trump a ainsi formulé trois attentes à son voisin. Il souhaite tout d’abord que le Mexique joue un rôle de « pays tiers sûr » en arrêtant et en conservant les migrants. Ensuite, le président américain demande aux Mexicains l’arrêt du narcotrafic et leur attribuent un pouvoir dont ils sont dépourvus. Enfin, Trump demande à Sheinbaum de bloquer les exportations chinoises vers les États-Unis en mettant en avant un arsenal de politiques répressives, dont les fameux droits de douane1.

Malgré ses menaces, Donald Trump traite mieux le Mexique que le Canada avec des taxes de 50 % sur l’acier, l’aluminium ou le cuivre et de 25 % sur l’automobile. Face aux pressions américaines, Claudia Sheinbaum donne des gages sur les questions liées à la criminalité et au narcotrafic. À l’instar des États-Unis, le Mexique a par ailleurs mobilisé 10 000 soldats pour bloquer les migrants potentiels à la frontière entre les deux pays. Pour le reste, les forces sécuritaires mexicaines se concentrent au sud afin d’endiguer la vague venue du Guatemala et du Belize. En effet, les flux migratoires sont davantage composés de Centre-Américains, de Vénézuéliens et de Caribéens tels que les Cubains ou les Haïtiens.

Des centres d’accueil ont été créés, faisant du Mexique non plus un pays de transit mais de fixation, fût-elle involontaire. Des phénomènes de racisme, une radicalisation idéologique et des discours extrémistes inédits voient le jour. Claudia Sheinbaum défend une politique respectueuse des droits humains2, de la dignité des personnes et ne tient pas la migration pour un acte délictueux. La présidente montre à son homologue américain qu’elle raréfie les flux tout en tâchant d’accueillir convenablement des immigrés effrayés par les propos de Donald Trump à leur endroit. Elle affiche également une volonté de coopération avec les États-Unis concernant la question chinoise. Sheinbaum a ainsi annoncé un plan Hecho en México3 (fait au Mexique) afin de fabriquer localement les produits importés de Chine.

Au-delà des concessions faites à Donald Trump, Claudia Sheinbaum réaffirme la souveraineté mexicaine dans un certain nombre de domaines. Elle refuse la présence de militaires américains sur le territoire national ainsi que l’ingérence de l’Oncle Sam dans la lutte contre les cartels. L’enjeu majeur des diverses discussions est la renégociation de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique4 (ACEUM), qui aura lieu en juillet 2026. En effet, les Étatsuniens pourraient décider de sortir dudit accord en 2036 au contraire des Mexicains, qui souhaitent le prolonger jusqu’en 2042. Le cas échéant, ces derniers effectueront des concessions à leur voisin afin de préserver une intégration économique vitale dans le marché nord-américain. Toutefois, Sheinbaum reste fidèle à une ligne prônant « la coopération, pas la soumission », qui lui vaut un leadership indiscutable au bout d’un an de pouvoir.

Notes

1 Trump-Harris : on refait le match.
2 Le droit international humanitaire : quésaco ?
3 Hecho en México [Fabriqué au Mexique].
4 L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).