Nationale 7. Il est passé 20h. Voilà des heures que je fais du stop, et personne ne s’arrête. Jusqu’à ce qu’un klaxon digne d’un gros ferry en partance pour Dunkerque me fasse sursauter. Un camion s’arrête. Le chauffeur m’invite à monter à bord. Mais à ma grande surprise, il ne me dirige pas vers la cabine avant. On fait le tour du bahut et il me force à monter derrière. Euh, c’est un peu louche ça, non ? Ce ne serait pas un trafiquant ? Puis là, stupeur : je ne suis pas seul. L’endroit est bondé. On dirait une salle de cinéma… Mais c’est une salle de ciné. Avec un grand écran, une sonorisation de fou. Des fauteuils grand confort. Le pied intégral ! Je vais voyager et me mater un film sorti tout droit de Cannes.

À l’occasion de la 78ème édition du Festival de Cannes, les Fondations CANAL+ et Art Explora inaugurent le CinéMo. Ils veulent faire partager la culture à un plus grand nombre de spectateurs. Dans les petits villages. Au milieu des champs. Un camion perdu en plein milieu des rues, au cœur de la ruralité.
Le CinéMo va sillonner la France, avec des séances de films gratuites pour tous, grands et petits. Dans les territoires les plus éloignés. Là où il n’y a pas de salle de ciné. Ce luxe itinérant de 72 places, avec une qualité de projection et de sonorisation digne des plus grands cinémas, a été dessiné par les designers Camille Chardayre (Prémices and Co) et Jean-François Aimé.

À l’issue de l’étape inaugurale cannoise, sous le parrainage du ministère de la Culture, la première tournée régionale du CinéMo va visiter les villages et les petites villes d’Île-de-France. Mais d’abord, c’est moi qui en profite. Dans le camion, nous sommes en route pour Cannes. La thématique ? « Un pas vers l’autre ». De fait, la programmation est très engagée. La sélection a été concoctée par un jury qui officie sous la baguette magique du réalisateur Wim Wenders, Palme d’Or 1984.

"Depuis plus de dix ans, nous avons prouvé avec les MuMo que la culture pouvait aller à la rencontre de tous, partout. Avec le CinéMo, nous poursuivons cette mission en ouvrant une nouvelle porte sur le cinéma, cet art qui rassemble, émeut et fait réfléchir. Nous sommes fiers de voir ce nouveau camion rejoindre la flotte d’Art Explora et d’offrir, avec la Fondation CANAL+, un accès inédit au 7e art à celles et ceux qui en sont le plus éloignés."
Ingrid Brochard, Fondatrice du MuMo et directrice du développement des camions-culturels de la Fondation Art Explora

"Avec le CinéMo, la Fondation CANAL+ poursuit sa mission : rendre la culture accessible au plus grand nombre. En s’appuyant notamment sur la richesse du catalogue de Studiocanal, la très belle programmation du CinéMo apportera à tous les publics une rencontre avec la création cinématographique et ses métiers. Nous sommes très heureux de partager la passion du cinéma qui anime CANAL+ depuis toujours avec ce formidable projet mené avec la Fondation Art Explora."
Stéphane Roussel, Président de la Fondation CANAL+

Une chose est sûre : je change mes plans. Je ne descendrai pas de ce camion avant d’arriver à Cannes. À moi le tapis violet et feutré du CinéMo. Et tant pis pour les décolletés, les paillettes et les robes de stars. Nous, on a notre camionneur, ses tatouages et son marcel. On se croirait rouler dans une course poursuite tirée d’un grand classique, un film policier, avec Bébel, notre cascadeur charmeur. Je parie que les motards de la gendarmerie nationale vont nous ouvrir la route. C’est aussi ça, la profondeur de la France profonde.

Les lumières s’adoucissent jusqu’à perdre leur dernière goutte d’intensité. La salle est devenue ce qu’elles l’invitent à être : obscure. Sur l’écran, un homme a disparu depuis quatre ans. Il réapparaît en plein milieu du Texas. Poussé par une idée fixe. Travis Henderson marche seul dans le désert. Il veut rejoindre Paris, Texas. Là où ses parents se sont connus. Là où ils l’ont conçu. Son père a d'ailleurs toujours plaisanté en disant « J'ai connu ma femme à Paris ».

Travis apprend que Jane, la mère de leur fils Hunter, a l'habitude de passer tous les mois dans une banque de Houston. Elle y dépose de l'argent pour l’enfant. Troublé par les attentions de cette femme qui les avait abandonnés, Travis décide de rentrer retrouver Hunter. Et tous deux partent à sa recherche.
Jane travaille désormais dans un peep show. Les cabines, équipées de vitres sans tain, permettent aux hommes de regarder les femmes, sans être vus. Elle ignore ainsi que Travis est venu la voir. Lui, incapable de parler, remet à plus tard leur discussion. Il rentre à l'hôtel rejoindre leur fils.
Le lendemain, il y retourne. À nouveau seul. Cette fois-ci, ils se retrouvent. Mais Travis ne veut pas reprendre la vie avec Jane. Il est simplement venu lui confier leur enfant. Il lui indique l'hôtel et la chambre où Hunter l'attend. Depuis un parking en contrebas, Travis observe de loin leurs retrouvailles. Puis, il disparaît. Dans la nuit.

Sur la musique de Ry Cooder, peu à peu, l’éclairage reprend vie dans le cinéma mobile. Les visages des spectateurs me renvoient à la réalité. La route devient sinueuse. Cannes n’est plus loin.