Les producteurs et beatmakers sont des artistes essentiels dans l'industrie de la musique, car ils sont responsables de créer les rythmes et les bases instrumentales qui servent de toile de fond aux chansons. Cependant, au fil du temps, certains d'entre eux ont tendance à perdre leur propre identité artistique au profit de la demande du marché et des artistes avec lesquels ils collaborent. Dans un tweet datant de janvier 2023, Oumardhino sur Twitter, dirigeant du label Spktaqrl, écrivait « Les rappeurs progressent les beatmakers régressent … Toutes les prods se ressemblent, vous prenez tous les mêmes boucles !!! Heureusement y’en a encore qui se prennent la tête mais une bonne partie se branlent trop là !!! » et récemment, le rappeur Dinos, artiste du même label racontait que « Les beatmakers n’ont plus de son propre à eux ». Comment deux acteurs majeurs du rap français en sont venus à cette position ? Décryptons.

À la fin des années 90 et au début des années 2000, les premiers producteurs stars ont émergé, parmi eux Just Blaze, Pharrell Williams (via The Neptunes) et Timbaland ont été des pionniers. Au cours de cette décennie, une nouvelle génération de producteurs a fait son entrée sur le marché, parmi lesquels Kanye West, Swizz Beatz, Scott Storch, Polow Da Don, Jim Jonsin, Bangladesh, The Runners, et Ryan Leslie. Ce qui les unissait tous, c'était leur style distinctif, ce qui incitait les rappeurs à les rechercher.

Cependant, à la fin de cette période, un courant musical en provenance du Sud des États-Unis, la "Trap music" (inspirée du Southern Rap et du Crunk), a surgi pour bouleverser le paysage des producteurs et beatmakers. Tout a changé grâce à une vidéo, montrant Lex Luger, un beatmaker, composer sur un ordinateur portable posé sur un simple bureau, entouré de ses amis, utilisant le logiciel FL Studio (anciennement connu sous le nom de Fruity Loops).

Avec la démocratisation d'Internet et des logiciels de musique (MAO), une nouvelle génération de producteurs a vu le jour, comprenant des noms tels que Southside (collaborateur de Lex Luger au sein de la 808 Mafia), Metro Boomin, Mike Will Made It, T-Minus, Boi1-da, Hit-Boy, etc. La composition musicale a progressivement été accessible à un plus grand nombre, les beatmakers utilisant des Virtual Instrument Synthesizers (VST) dans leurs logiciels pour disposer de banques de sons en remplacement d'instruments réels. Désormais, la création d'un succès musical depuis sa propre chambre était devenue possible. Malgré la diffusion généralisée de cette tendance, de nouveaux venus ont réussi à conserver leur style distinctif.

Cependant, l'explosion soudaine de la Drill de Chicago, avec son producteur phare, Young Chop (à l'origine de titres comme "I Don't Like," "Love Sosa," et "Hate Bein' Sober"), a incité de nombreux beatmakers à s'orienter vers la Drill, en utilisant les mêmes Drum kits et VST. C'est à partir de cette période que l'originalité et la spontanéité des beatmakers ont commencé à s'effacer. La question de savoir si un producteur qui crée un morceau en 10 minutes fait preuve de créativité est devenue sujette à débat.

Avec l'avènement des plateformes au cours de 2015-2016 et la croissance constante du mouvement, de nombreux beatmakers ont adopté l'approche des "prods Type Beat" qui reproduisent le style musical d'un artiste. Bien que cette démarche offre une multitude d'options pour les artistes, malheureusement, de nombreux beatmakers ont tendance à se copier mutuellement en utilisant des sonorités similaires, notamment des boucles (Loops).

Malheureusement, ces derniers temps, peu de compositeurs parviennent à se démarquer en termes de sonorités, ce qui soulève la question de savoir si les artistes choisissent un beatmaker pour sa touche artistique ou simplement pour ses références et certifications.

Chief Keef - Love Sosa