Ce n’est pas Feng-Shui de commencer la nouvelle année en parlant de la mort, me diriez-vous. Évidemment ! Jamais je ne ferai cet hommage à cette peste, elle qui m’a volé les personnes les plus chères. Je vous propose de commencer 2024 avec cette histoire insolite d’un homme que la Mort n’arrive pas à prendre dans ses griffes.

Il s’appelle Louis Durot, un ami fidèle et aussi l’artiste que je représente (pour ceux qui me lisent pour la première fois, je suis agent d’artistes).

Nous sommes le 23 décembre 1943. À la suite d’une dénonciation, sa famille fut l’objet d’une rafle et embarquée. Cependant, le camion qui devrait les amener à la gare pour prendre le train d’Auschwitz tomba en panne. Louis échappa à la Mort pour la première fois. Il avait à peine quatre ans.

Les deux années suivantes, le petit garçon fut caché chez une gardienne de chèvres à Magagnosc. Se penchant sur l’enfant affamé, la Mort esquissa un rictus.

Je viens te chercher, sac d’os !

Encore raté ! Les Alliés gagnèrent la guerre et Louis fut sauvé in fine. Néanmoins, la Mort n’avait pas tout à fait perdu, car l’enfant gardera des séquelles corporelles de cette période le restant de sa vie.

Les années d’après-guerre furent un fleuve tranquille pour Louis, jusqu’au jour, dans une impasse sombre à Pigalle, où un étudiant désespéré se jeta sur lui pour lui trancher la gorge. Portant la main à son cou, le jeune homme sentit une atroce douleur et vit beaucoup de sang couler sur ses doigts. Aux urgences, les médecins parlèrent d’un miracle.

Score : 3 Louis - la Mort 0.

Désormais trentenaire, petit LouLou passe sa vie entre Paris et New-York. Lors d’un voyage d’affaire, Louis avait raté son vol. L’avion était parti sans lui et explosa en plein vol. Il n’y eu aucun survivant.

Malgré les quatre échecs, la Mort ne s’avoua pas vaincue. La faucheuse guettait sans relâche. Justement, voilà une intervention propice. L’ingénieur chimiste monta dans une voiture, dont le chauffeur venait de sniffer plusieurs lignes de cocaïnes. Le véhicule fonça à toute vitesse sur l’autoroute et heurta un camion qui venait en sens inverse. Le côté passagère de la voiture, appelé traditionnellement la place du mort, fut réduit en miette, mais Louis s’en était tiré avec une jambe cassée. La Mort disparaitra dans la nuit noire, hurlant de désespoir. Louis se souvient encore des échos de ses hurlements menaçants.

Louis se consacra corps et âme à l’Art et à la science jusqu’au jour de son soixante-treizième anniversaire, lorsque soudain il s’écroula sur le quai d’une gare, victime d’une crise cardiaque.

Il faut l’opérer à cœur ouvert

constate le cardiologue.

La chance de survie est infiniment petite

s’inquiète son collègue.

Vous avez deviné la suite. Louis s’en est sorti indemne ! La Mort est fatiguée, désappointée, dépitée. Elle ne veut plus entendre parler de lui. Elle s’en est allée, je ne sais où. Peut-être, une reconversion professionnelle.

Si mon histoire vous donne l’envie de rencontrer cet artiste extraordinaire, sachez que la galerie Fanny Jacquemaire lui consacre une exposition Forme et non-conformisme où vous pouvez découvrir et surtout essayer ses créations du 11 janvier au 4 février.

C’est aussi l’occasion pour Louis de dédicacer son livre autobiographique J’ai raté le train d’Auschwitz, publié aux Éditions Istya & Cie. Je vous souhaite le meilleur pour 2024.

PS : Louis est à la fois ingénieur chimiste et artiste-designer. Reconnu comme expert des polymères, il a conçu des matériaux employés pour les gradins de Roland Garros et du Stade de France, ainsi que la toiture des sept satellites du terminal Roissy 1. Dans la lignée de la sculpture surréaliste Pop Art, il crée des œuvres sur le thème mobilier de loisir, pour une ambiance extraterrestre et onirique. Sa pièce iconique est un siège sculptural en forme d’une spirale.