Les histoires d’amour finissent mal, en général. Celle entre Dimitri Payet et l’Olympique de Marseille aura duré huit ans, entrecoupée d’une aventure en Angleterre chez les Hammers de West Ham. Cette idylle entre le Réunionnais de naissance et le club olympien aura été teintée d’émotions, de frissons et finalement de larmes. Entre déceptions et coups de génie, elle se termine donc en ce début d’après-midi de fin juillet 2023.

Mais la question que soulèvent les journalistes est toute autre. Passée l’étape de l’annonce, la problématique est aujourd’hui la suivante :

Dimitri Payet est-il une légende du club ?

Sur un sujet de bac option philo, la consigne vous dira : vous avez trois heures. Les jeunes répondront peut-être par l’affirmative, en tout cas ceux qui n’ont pas connu 1993. Les moins jeunes vous répondront probablement non : il n’a rien gagné avec l’OM, génie à ses heures mais dont le plafond de verre se limite à trois éliminations au premier tour de la Ligue des Champions et surtout une blessure en finale de Ligue Europa en 2018.

Pour répondre à cette épineuse question, il faut surtout voir cela sur un plan bien précis. Que faut-il pour rentrer dans ce cercle fermé du club, où les noms de Jean-Pierre Papin, Basile Boli, Eric Di Méco, Carlos Mozer etc… sont gravés dans le marbre ? Ceux qui ont écrit le palmarès du club, en somme. Le premier a été Ballon d’Or, est-ce le cas de Payet ? Non. Les autres ont remporté le championnat de France et la coupe aux grandes oreilles. Est-ce le cas de Payet ? Non plus. On ne peut donc, via ce prisme, pas considérer le Réunionnais comme faisant partie de la liste. Car s’il n’a pas démérité sous le maillot phocéen depuis son arrivée en 2013, sous les ordres tantôt de José Anigo ou Marcelo Bielsa, puis de Andre Villas-Boas à Igor Tudor, Payet a tout connu. De titulaire indiscutable à l’équipe de France (Euro 2016) jusqu’à devenir indésirable et ne jouer qu’une poignée de matchs la saison dernière. La raison ? Trop vieux ? Trop inconstant ? Peut-être un petit peu des deux. Ce qui semble certain aujourd’hui, c’est qu’il est l’un des plus talentueux que le Vélodrome a vu passer, et les clients ne sont pas si nombreux que cela à lui faire de l’ombre. Le gamin aux pieds d’or (comme on pourrait l’appeler) n’eût pas beaucoup de concurrents pouvant lui tenir le menton lorsqu’il a évolué à son meilleur niveau. Si on revient dix ans plus tôt sous les ordres d’El Loco, sur la première partie de saison, il fut peut-être ce qu’il s’est fait de mieux à son poste en Ligue 1. Ensuite, les méthodes de l’argentin ne passant plus, le physique craqua et le joueur avec. Dommageable tant cette saison-là fut un régal pour les yeux du peuple marseillais.

L’irrégularité, entre génie et fantôme

C’est justement le problème du joueur. Cette inconstance qui fait qu’il a fallu attendre ses 34 ans pour le voir (enfin) faire une saison complète au même niveau. C’était en 2019-2020, avant le covid, avant tout ce que l’on sait. Et encore, avec un championnat arrêté net le 30-avril. L’OM est deuxième derrière le PSG, va donc le rester, et valide son ticket pour la Ligue des champions de manière directe. On ne saura jamais quelle aura été la suite des événements si la saison avait été jusqu’à son terme, mais enfin a t-on pu voir un Dimitri Payet conjuguer talent et régularité. Pablo Longoria dit qu’il a le talent et le génie en lui. Ce n’est peut-être pas faux, mais l’histoire retiendra qu’entre ses débuts chez les professionnels avec le FC Nantes et l’OM, il a fallu attendre quinze longues années. Beaucoup trop pour en faire un grand joueur et encore moins une légende. Payet reste donc, aux yeux des puristes et des spécialistes, un bon, voire très bon joueur de club, mais pas plus. Car même gagner une Ligue Europa comme il en a eu l’occasion voilà cinq ans de cela n’aurait pas suffi à le ranger dans ladite catégorie. Pour être un grand joueur de ce club, il faut marquer les esprits, et pas seulement en marquant le but de l’année en C4 comme il a pu le faire la saison dernière. C’est avant tout une question de mentalité, de leadership, de hargne et de fierté. Aimer l’OM ne suffit pas non plus, même si on en finit ému aux larmes.

Surpoids et Mondial raté

C’est sans doute le tournant de sa fin de carrière, touché en finale de Ligue Europa face à l’Atletico (0-3), il se blesse à la cuisse, ne dispute pas le Mondial russe et voit, par la même occasion, passer à la trappe sa dernière opportunité de se mettre en évidence chez les Bleus. Déjà à l’époque, il sortait en larmes. Bis repetita quatre ans plus tard, cette fois en demi-finale de Ligue Europa Conférence et face au Feyenoord où c’est la jambe droite qui lâche sur un geste anodin. Maladresse, malchance ou les conséquences d’un certain surpoids, le joueur reste à quai en Europe, qui décidément ne lui sourit pas. L’aventure olympienne du numéro dix s’arrête donc en cet été 2023. Pas de reconversion pour lui, qui avait pourtant signé un contrat dit “à vie” sous la présidence de Jacques-Henri Eyraud. Les temps ont bien changé, JHE n’est plus là et Longoria, de son côté, a tranché. L’exercice à suivre sera sans Payet, avec une nouvelle page à écrire.