Qu’est-ce qui a fait de vous un artiste ?

Ce qui a fait de moi un artiste ou plutôt, la prise de conscience que je pouvais en être un, sans le savoir, ce sont les conditions de vie de la cachette de guerre où j’ai vécu enfant chez une gardienne de chèvres, Mme Guizol, dans le village de Magagnosc, dans le sud de la France. Je m’étais créé un loisir en allant au bord d’une rivière où par chance il y avait des argiles multicolores, vertes, rouges, brunes, beiges. Dans cette rivière, la découverte de l’argile m’a permis de fabriquer des jouets. Je modelais des formes, les faisais sécher. J’avais quatre ans et demi. Je fabriquais des éléphants, des renards qui ressemblaient plutôt à des bassets, des bateaux de guerre anciens, des navires, des soldats. J’arrivais à fabriquer des jouets que je trouvais satisfaisants, car je vivais dans une clandestinité faite de peur et de brouillard. Si je devais résumer ce qu’a été un an et demi de vie clandestine, je dirais, pour paraphraser le célèbre film : peur et brouillard. Je me souviens avoir vécu dans une espèce de nuage opaque sans rien comprendre de ce qui se passait autour de moi. Je ne comprenais pas pourquoi mes parents m’avaient abandonné, on ne me l’avait pas dit.

Je n’avais pas de nom, on m’appelait « le p’tit », puis « Loulou » ou le « le p’tit Loulou », parce que les loups se cachent. De fait, j’étais devenu un petit loup. Dans la vie dite normale, on vit le jour et on dort dans la nuit, mais dans la clandestinité, ce n’est pas comme ça qu’on vivait. Le jour on restait tranquilles, discrets, et la nuit on se levait, on sortait en bande et on cherchait à manger. Dans les poubelles, on cherchait des épluchures de pomme de terre pour les faire griller, dans les prairies, des asperges sauvages, des escargots, des lézards et parfois on essayait des voler un poulet. Lorsque cela arrivait, les voisins, qui étaient des gens admirables, des gens simples, ne nous dénonçaient pas. Ils savaient ce que risquait la gardienne de chèvres et les quatorze enfants qu’elle cachait. Puis est arrivé un moment où la peur était si ancrée en moi que je ne la ressentais même plus. A cinq ans, quelqu’un serait venu me dire « Écoute Louis, on va t’endormir et tu ne te réveilleras plus », j’aurais été très heureux. Il n’y a que mes jouets en argile qui me rattachaient à la vie. Et grâce à l’argile, dont je découvrais les ressorts, j’ai commencé à faire de la sculpture qu’on pourrait dire fonctionnelle. C’est-à-dire des sculptures utilitaires. La sculpture a toujours eu une finalité dans l’histoire. Pour moi au départ elle était utilitaire, puis des années après, elle est devenue hybride, à la fois art et utilité : c’est le design.

Aujourd’hui, je conçois des structures d’objets qui ont pour thème et pour vocation apparents d’être fonctionnels, mais qui sont essentiellement des objets d’art faits pour le regard. C’est une démarche innovante au carrefour de la sculpture, du design d'art, de l'innovation technologique et du fantasme ludique et ironique, jamais oublié. Reconnu pour ma maîtrise du polyuréthane, j’ai exposé mes créations dans des expositions internationales les plus réputées comme Miami Art Exhibition, Art and Industrial Design New-York, International Exhibition of Contemporary Art Shanghai, Musée du Louvres, Museum of Contemporary Design Lausanne, Red Gate Gallery, Gallery Sohe… dont l’iconique Aspirale sculpture siège, présentée à la Collection Online au Vitra Design Museum.