Regarder revient à prendre la mesure du chaos en quoi l’univers consiste : des lignes qui partent dans toutes les directions à la fois, des couleurs qui jurent et se combattent les unes les autres tandis que la lumière tombe comme elle le veut sur les choses auxquelles, oubliant le nom et le sens que les hommes leur donnent ont fini par trouver le même air radieux d’existence absurde.

(Je reste roi de mes chagrins, Philippe Forest)

Lorsqu’il évoque le processus créatif qui préside à sa peinture, Vincent Corpet utilise une formule concise : « l’œil regarde la main qui agit ».

Le regard est premier et à travers lui tout le savoir du visuel, qu’il s’agisse de formes empruntées à l’histoire de l’art ou de celles, banales, du monde.

A la main « d’agir », de parvenir à agencer ces données visuelles dans l’espace du tableau. Leur caractère hétérogène et la diversité de leur nature empêchent d’instaurer une quelconque hiérarchie dans la composition. Cependant, il faut faire tenir ensemble ces éléments épars, non dans l’ordre de la logique mais dans celui du désordre. Le « désordre de possibles » que Bataille identifie chez Manet comme étant l’expression du désir de liberté absolue de peindre. Corpet revendique cette même liberté.

Le désordre donc et avec lui tous les possibles sur le plan formel. La peinture pour Corpet est une forme indéterminée. Elle se refonde sans cesse pour peu que l’on remette tout en jeu à chaque tableau. Le procédé de l’analogie est le garant de ce refus de toute fixité. La pensée se met en mouvement, l’œil et la main établissent des liaisons, des correspondances entre des formes qui s’agrègent, se superposent, entre en collision.

La pensée analogique favorise l’inventivité formelle et, se faisant, permet à Corpet d’appréhender la peinture comme l’expression d’une possibilité infinie.

Le foisonnement des motifs figuratifs où se mêlent l’humain, l’animal, les objets, le vivant et l’inanimé, auxquels s’ajoutent lettres et graphisme, entraine la saturation de l’espace qui, en l’absence de toute perspective, revêt une densité particulière.

Devant ses images on perd en certitude, en mots, tant les choses se donnent dans leur « évidence absurde ». Elles désignent l’endroit où plus rien ne peut se dire, où le langage se dissout. On assiste alors au dépassement de la réalité. Le tableau se donne comme une ouverture vers un réel infini, élargi, amplifié. C’est à la poésie que l’on attribue cette faculté de transcender les données de la perception du réel ordinaire…

Nous n’avions pas vu, nous n’avions pas su voir, nous n’avions pas voulu savoir, « ça voir ».

Au moment de la sidération du regard, lorsque celui-ci plonge dans l’espace chaotique du tableau et se saisit de son étrange désordre, on est renvoyé au vide sur fond duquel il se détache et qu’il vient combler.

A chacun de donner la signification qu’il souhaite à ces images démultipliées des apparences du monde. A moins que l’on préfère leur seule contemplation et le vertige qu’elles procurent.

Biographie

Vincent Corpet à vingt ans, en 1978, il décide de devenir artiste et entre aux Beaux-Arts de Paris l’année suivante. Diplômé en 1981 il sera exposé au Musée National d’Art Moderne dès 1987.

A ce jour, il a participé à 150 expositions de groupe et a bénéficié de 55 expositions personnelles.

Il a successivement été représenté par la galerie Daniel Templon (Paris), la galerie Charlotte Moser (Suisse), la galerie Hélène Trintignan, la galerie Mazel (Belgique).

Ses œuvres ont été acquises par de nombreux musées dont le Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou ; le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, Nice ; le Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne, le Musée Ingres, Montauban ; le F.N.A.C, Paris, ainsi que dans de grandes collections particulières françaises et étrangères.

Exposition à venir

Corpet /Corp(u)s, rétrospective de dessins, un commissariat d’Agnès Callu, 24Beaubourg, 24 rue Beaubourg 74004 Paris, du 25 au 28 mars 2020.
Fatras, Château de Jau, RD 59, 66600 Cases-De-Pène, France, du 26 juin au 26 septembre 2020.
Vincent Corpet, Les Sables d’Olonne, Musée de l’abbaye Sainte-Croix, du 14 février au 23 mai 2021.