Les partitions mélodiques et rythmiques des dessins de Hanns Schimansky ne sont pas des abstractions, ni la manifestation « captée » par l’œil des existences qui nous entourent, mais des expressions sismiques de l’être. Un « Dasein » respirant, fragile, tremblant et éternel devenu libre en échappant aux lois parle à travers la main de Schimansky, comme le jazz sous sa forme extrême, l’improvisation, comme une musique composée dans l’instant.

(Eugen Blume)

La Galerie Jeanne Bucher Jaeger a le plaisir de présenter une exposition des œuvres récentes de Hanns Schimansky, L’Espace de la ligne, quatrième exposition personnelle de l’artiste allemand à la galerie depuis 2008. Dessins à la plume et à l’encre de Chine, dessins au crayon graphite sur papier préparé, pliages, pastels ou encore craie... Dessins scripturaires, écriture imagée, variations ou aventures du paysage, si emblématiques du « compositeur » Schimansky révélant les partitions d’une vie saisie dans l’instant, chaque dessin vibrant de l’intensité du moment. Dans leur spatialité et le jeu de tension incessant du trait, de la couleur et de l’espace de la feuille, ces œuvres éveillent le spectateur à une expérience sensorielle suscitée par les subtiles nuances de leurs pliages.

L’immédiateté comme mode de vie, nous dit Hanns. Je cherche à capter et à prolonger l’intensité insaisissable de l’instant dans les dessins, en une équivalence, disons, diffuse. Les dessins sont réalisés d’un seul souf e. Le moment compte, avec ses aberrations et ses erreurs. Demain, la constellation sera différente. Dans les frontières de la feuille blanche, fréquemment apprêtée et le plus souvent pliée au préalable verticalement et horizontalement, le premier geste du dessin consiste en le choix du médium dialoguant avec la surface : peinture acrylique ou encre de Chine appliquée au pinceau ou au moyen d’un bec métallique, graphite, pastel... L’œil est alors aiguisé de manière incisive, à l’affût du trait, de la ligne qui déploie la topographie in nie de ses mouvements et le caractère perpétuellement changeant de son apparence : léger, appuyé, roulé, tordu, ample, serré, accentué, pointé, interrompu, continu... D’autres mémoires, respirations, constellations se révèlent, se devinent depuis le verso du papier, dessiné, peint ou travaillé lui aussi. Schimansky agit en poète, chaque dessin étant un haïku né d’un long processus d’observation, d’attention au monde, et d’une nécessité intérieure de silence. Sa ligne exploratrice agit comme un rhizome, se frayant un chemin sur le papier à travers la terre, évoquant des paysages à la fois physiques et psychologiques. A l’image de calligraphies asiatiques incarnant les souf es primordiaux, elles semblent mûes par de subtils mouvements d’air, odes sensibles du pneuma au noble sens grec du terme. Telles des partitions, elles sollicitent à la fois l’écoute et le regard.

Hanns Schimansky est né en 1949 en Allemagne de l’Est. Il vit et travaille à Berlin. Ses débuts d’Ingénieur agronome où il travaille dans une ferme coopérative lui font expérimenter ses premiers dessins paysagés, il se consacre ensuite exclusivement à l’art et plus spéci quement au dessin à partir de 1979. L’artiste a exposé en Europe, notamment au Gemeentemuseum Den Haag de La Haye, aux Pays-Bas, à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel, en Suisse, au Martin-Gropious-Bau et à l’Akademie der Künste, à Berlin, en Allemagne. Son œuvre gure dans de nombreuses collections publiques, telles que le Musée national d’art contemporain d’Oslo, la Berlinische Galerie, le Musée national d’art contemporain de Berlin, la Pinakothek der Moderne de Munich ou la Morgan Library & Museum Collection, de New York.