Les Galeries Jeanne Bucher Jaeger, Paris, Waddington Custot, Londres et Di Donna, New York ont le plaisir d’organiser ensemble une exposition itinérante historique entre la France, la Grande-Bretagne et les ÉtatsUnis, d’œuvres de l’artiste d’origine portugaise, naturalisée française en 1956, Maria Helena Vieira da Silva. Il s’agit de la première collaboration de ce type entre ces trois galeries internationales.

Réunissant des peintures et des œuvres sur papier emblématiques de l’ensemble de sa carrière, l’exposition examinera son approche unique de la représentation de l’espace, envisagée sous l’angle de compositions semi-abstraites et poétiques. Dans ses toiles, une qualité labyrinthique émerge des structures tout en dédales qui jouent avec l’espace et la perspective et invitent le spectateur à déambuler dans des espaces multidirectionnels, à pénétrer un système révélant la complexité du monde, en explorant tous ses points de vue y compris ses espaces les plus intimes. Comme Vieira da Silva le souligne elle-même « la perspective est une manière de jouer avec l’espace. J’ai beaucoup de plaisir à regarder l’espace, les rythmes. L’architecture d’une ville a des rapports avec la musique. Il y a des temps longs, des temps courts. Il y a de petites fenêtres. Il y en a de grandes. » Dans ces œuvres se manifeste le Jeu du Monde et ses cartes sans cesse rebattues, telles des accumulations de savoirs et de mémoires, des mises en forme de pensées et de rêves, de sciences et de jeux, de lois et de traités, de théologies et d’astronomies…

Après la Seconde Guerre mondiale, Vieira da Silva devint membre du mouvement expressionniste abstrait à Paris. Elle saisit l’ambivalence entre la forme géométrique et lyrique dans les fusions d’un espace illusionniste et, à partir de l’étude et de l’assimilation des premiers styles modernes – cubisme, abstraction géométrique et futurisme –, compose son vocabulaire visuel unique dans l’univers de la peinture. Les perspectives infinies de ses compositions peuvent se lire comme la manifestation d’une essentielle exploration de l’espace, de ses recoins et ses liens, qu’ils soient intimes ou lointains chez Vieira da Silva artiste immigrée parmi tant d’autres dans le Paris d’après-guerre. À partir d’une convergence de lignes flottantes apposées sans aucun sujet préconçu à l’esprit, elle amène l’œil à identifier des images émergentes puisant leur source dans ses souvenirs et son sens intuitif du motif et du rythme. L’espace psychologique que crée cette représentation fragmentée de la réalité capte la façon dont l’esprit retient et remodèle les souvenirs : il ne renvoie pas seulement à sa vie à Paris, mais aux expériences sensorielles de son enfance à Lisbonne, célèbre pour les motifs fascinants de ses rues pavées et son extrême attention à tout ce qui l’entoure.

Bien qu’elle entretienne un sens de profondeur de l’espace et des perspectives au moyen d’une structure et d’un ordre sous-jacents, Vieira da Silva se plaît à brouiller la frontière entre représentation et abstraction de sorte que les surfaces évocatrices de pièces connues ou de vues urbaines aériennes ne décrivent jamais totalement un seul lieu ou panorama mais un enchevêtrement de lieux visités. Dans un monde qui va sans cesse en s’accélérant, ses évocations d’une réalité toujours renouvelée et envoûtante ne perdent rien de leur pertinence et de leur contemporanéité, bien au contraire, puisqu’elles nous font visiter ses espaces parallèles qui côtoient et s’apportent sans cesse, dans un ballet musical incessant.

Vieira da Silva peint certainement son étonnement d’être un être vivant, de bouger, de persévérer, de s’ouvrir à la lumière et à l’échange avec tout ce qui l’entoure. Dans la croissance des tissus organiques de ses tableaux où les lignes se croisent et se recroisent, elle découvre toujours de nouvelles issues de lumière, ce vide/plein, cette destination de présence inconnue qu’elle explore depuis le début de son œuvre et, plus particulièrement, dans ses œuvres des années 70 à 90 où une trajectoire ascensionnelle se fait plus évidente comme si notre vie s’apparentait à un chemin de traverse. C’est à peine après son arrivée à Paris en 1928 que Vieira da Silva fit la connaissance de Jeanne Bucher, qui fut la première galeriste à montrer son travail, galerie à laquelle elle restera fidèle à travers les générations, jusqu’à sa mort en 1992 et qui continue à défendre son œuvre à travers le temps. Par le biais de cette importante exposition et afin de souligner l’univers pictural d’une femme peintre tout à fait singulier dans un contexte international, la galerie parisienne Jeanne Bucher Jaeger entre en collaboration avec les galeries Waddington Custot à Londres et Di Donna à New York, avec une exposition unique voyageant dans ces trois lieux, rebattant ainsi à chaque fois les cartes d’une œuvre profondément actuelle dans sa vision globale d’un espace aux innombrables liens tissés.