La Galerie La Forest Divonne - Bruxelles présente « Abstraction du concret », un dialogue singulier entre Lucien Hervé (1910-2007) et Illés Sarkantyu (né en 1977). Dialogue entre deux œuvres, signées par deux artistes hongrois, vivant ou ayant vécu en France, que plus de soixante ans séparent.

Lucien Hervé trace un autoportrait intime en photographiant son propre appartement, lui qui a photographié toute sa vie les plus grandes réalisations architecturales du passé et de son temps. Illés Sarkantyu dresse quant à lui un portrait posthume et indirect de cet artiste qu’il admire en photographiant les archives qu’il a laissées derrière lui ou, en d’autres termes, les traces de son travail. Ce faisant, Illés Sarkantyu développe une vision personnelle et radicale, souvent nourrie d’appropriation et de réinterprétation.

Le mur principal de la galerie sera couvert des seize images de la série « L’appartement », photographiée par Lucien Hervé. L’accrochage suivra la disposition originale, conçue par Lucien Hervé lui-même en 2000 pour la Galerie du Jour, Agnès b. Rarement exposées, ces photographies exceptionnelles concentrent tout l’art du maître dans un cadre intime qui fait la part belle à la spécificité de son regard et en particulier à la rigueur de ses cadrages. Ces images ont été récemment présentées dans l’exposition monographique « Lucien Hervé : Géométrie de la lumière », produite par le Musée du Jeu de Paume pour le Château de Tours.

Quentin Bajac, conservateur en chef de la photographie au MOMA écrit : « La singularité d’Hervé, elle tiendrait à sa grande rigueur, à son économie de moyen et à la façon, tout à fait originale, dont il se tient sur la limite entre abstraction et figuration ; celle avec laquelle il cherche, par-delà une apparence extérieure des choses, à rendre compte d’une idée, d’un dessein et à faire que chaque expérience de la vision soit saisie dans une réflexion plus générale. »

En regard de ces œuvres historiques, Illés Sarkantyu exposera une série dédiée au travail de Lucien Hervé, forme de portrait posthume et d’hommage rendu à l’artiste par l’intermédiaire des traces laissées par son travail, en photographiant de manière objective, à la manière des typologies de Bernd et Hilla Becher, les dossiers dans lesquels Lucien Hervé conservait ses négatifs, ses planches contact et ses clichés. Ces images radicales permettent à Illés Sarkantyu de développer sa propre vision et sa pratique artistique.

Cette série d’images sera confrontée pour la première fois à celles de l’appartement, où les archives étaient conservées et où les photographies ont été prises. Ces œuvres tendant vers l’abstraction se répondront par la couleur, tout en soulignant le caractère concret et quotidien du sujet. En paraphrasant Paul Klee, ces images ne reproduisent pas le visible, mais rendent visible.

Maître de la photographie d’architecture célèbre pour sa collaboration avec Le Corbusier, Niemeyer et Prouvé pour ne citer qu’eux. Doté d’une grande sensibilité pour l’humain et le social, Lucien Hervé chercher la présence du vivant, y compris dans ses compositions les plus géométriques.

Son œuvre a été exposée dans les plus grands musées du monde et fait partie des collections du Centre Pompidou, du MOMA, du Getty Center, du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris et de nombreuses autres prestigieuses collections publiques et privées.

Hongrois de naissance et Français de cœur, tout comme Lucien Hervé, Illés Sarkantyu a fait la connaissance du maître en 2003, alors qu’il travaillait sur une série de portraits d’intellectuels et artistes hongrois. Peu après le décès de Lucien Hervé, sa veuve, Judith Hervé, a contacté Illés Sarkantyu pour lui demander à participer à la conservation et à la promotion de l’œuvre de son époux. Illés Sarkantyu s’est ainsi attelé à la tâche de photographier, classifier et scanner les dossiers et épreuves de Lucien Hervé. Cet élément déclencheur a donné lieu à un travail très singulier, élevant la démarche documentaire à un niveau supérieur de création artistiques. La série que nous présentons est à la fois un hommage à Lucien Hervé et une création personnelle. Depuis lors, une grande partie de son travail est guidée par ces concepts d’appropriation et de recréation, de mémoire et de paraphrase.

L’œuvre d’Illés Sarkantyu est représentée par diverses galeries en France et en Hongrie. Des institutions publiques exposent ses œuvres depuis 1998 et tout récemment, en 2016, le Petit Palais (Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris) a exposé son travail sur les archives de Lucien Hervé.