Née en 1975 à Séoul (Corée du Sud), Daphné Le Sergent vit et travaille à Paris. Issue d’une double culture, elle mène ses recherches autour des notions de schize et de déterritorialisation. Activant différents systèmes de montage et de démontage, de cut-up ou d’effacement, son travail interroge la construction de l’identité en proposant une analyse du paysage frontalier comme phénomène de perception, assimilable à un écran. Ce travail l’a conduite à réfléchir sur la question de l’agencement et du dispositif dans la création artistique contemporaine.

Fragments de texte, dessins partitionnés, diptyques photographiques et séquences vidéo interrogent les lignes de subjectivités qui traversent l’image et agrègent les éléments les uns aux autres.

Invitée dans le cadre de la programmation Satellite 11, intitulée « NOVLANGUE_ », Daphné Le Sergent présente le second mouvement du cycle, « Géopolitique de l’oubli », qui interroge la classe C du vocabulaire imaginé par George Orwell dans 1984, le langage technique, à l’heure du data déluge.

À travers « Géopolitique de l’oubli », l’artiste s’intéresse à l’industrialisation et à l’externalisation de la mémoire à l’ère du post-digital, imaginant deux communautés rétrofuturistes fictives, les SUM et les MAY, où l’alphabet a été mis en place pour libérer la mémoire humaine de la complexité du code de l’écriture-image, fondée sur les glyphes, pictogrammes ou idéogrammes. L’artiste explore l’archivage numérique à partir de deux formes distinctes d’écriture : d’une part, l’écriture cunéiforme, apparue plus de 3 000 av. J.-C., inventée pour mémoriser la dette et exploiter les données relatives à cette transaction. C’est sur ce modèle que nous concevons aujourd’hui la mémoire, en préservant l’information dans nos data centers. D’autre part, l’écriture maya (VIe-IXe siècles) qui, quant à elle, consignait les mouvements des astres à destination des générations futures. L’écriture n’était ici pas pensée comme capitalisation d’une chose passée, mais pour sa capacité prédictoire.

À l’heure d’une pratique neuve de l’écriture née de l’écran, d’interactions nouvelles entre l’œil et la main, d’une communication par photographies, gifs ou emojis reposant sur l’image et sa stylisation, sur des modèles et samples d’animations, quels comportements sont générés par ce langage ? Des gestes découlent de ce traitement de l’information, comme archiver, éditer, rassembler, copier, fusionner.