Véritable événement pour le Frac Ile-de-France, After Dark constitue également une première pour le Mamco avec cette invitation exceptionnelle lancée à une autre institution à venir présenter sa collection en ses murs. Le projet est conçu dans le cadre du vingtième anniversaire du Musée.

Dans un espace – le 4e étage du musée – entièrement plongé dans l’obscurité, l’exposition présente un ensemble d’oeuvres ayant toutes en commun de donner à percevoir certaines formes du réel dont le sens tend irrémédiablement à nous échapper.

Que ce soit un message écrit au mur avant d’être volontairement gommé (Sans titre, Jimmy Robert), une série de caisses plates en bois contenant des objets auxquels nous n’aurons jamais accès (Sans titre, Maurice Blaussyld), un groupe de personnes qui resteront toujours anonymes (Around, Ulla von Brandenburg), ou encore un ensemble d’images visibles qu’un instant au gré du balayage d’un faisceau lumineux (Polka Dot, Mark Geffriaud), il est régulièrement question d’une approche, d’indices, de signes plus qu’évocateurs, mais qui ne dévoileront jamais totalement ce qu’ils semblent pourtant vouloir nous révéler.

Ces oeuvres semblent nous indiquer que l’essentiel est ailleurs. Non pas dans la résolution définitive d’un ensemble de faits qui nous seraient rapportés, mais dans l’énigme ellemême qui à chaque fois nous est proposée.

En ce sens, le champ s’ouvre à autant d’expériences hallucinatoires qui ne laissent pas le visiteur indemne : le soliloque d’un homme nous enjoint à partager son délire (When I see you…, Elise Florenty/Marcel Türkowsky), un piano délivre tout seul une mélopée aux origines tant précises qu’improbables (Musique pour un cheval centenaire, Benoît Maire/Etienne Chambaud), des superpositions de diverses photographies créent des trouées au caractère monstrueux (Masks, John Stezaker), le souvenir d’une lecture en public laisse place à la vision d’une habitation peuplée de fantômes (The Two Stories, Alejandro Cesarco). Et si croyances et leurres il y a malgré tout, les oeuvres de João Maria Gusmão et Pedro Paiva – artistes passes maîtres en la matière – nous entrainent dans des mises en abyme vertigineuses…

Si une part d’incertitude, une certaine obscurité semblent nécessaires à la compréhension du monde – la caverne Platonicienne n’est pas loin – After Dark offre nombre de perspectives troubles nous permettant paradoxalement d’envisager un avenir où la lumière se fait. Quelque peu à l’image de l’oeuvre de Tobias Rehberger (Nicolai’s sunny 09.02.72 (Krylow)) où l’ultime perception lumineuse d’un homme nous est révélée et se trouve perpétuée.