Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité.

(Charles Baudelaire)

Hubert Barrère, créateur, directeur artistique de la Maison Lesage (Chanel Métiers d'Art) et brodeur visionnaire, propose un regard personnel et sensible sur la création contemporaine. À la croisée des savoir-faire artisanaux et des arts visuels, l’exposition célèbre la main, l’âme et l’inspiration.

À travers une sélection d’œuvres qui tissent des liens intimes entre les artistes, l’exposition rend hommage à l’émotion de l’image, au flou artistique comme révélateur de beauté, et à la figure féminine — qu’elle soit muse silencieuse ou rebelle affirmée.

Le véritable changement vient du regard que portent les jeunes générations sur la créativité.

(Hubert Barrère)

Dans l’esprit des Correspondances de Baudelaire, l’exposition se déploie comme un réseau d’affinités électives, d’amitiés artistiques et de passions esthétiques. Comme dans le poème où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent », chaque œuvre devient un miroir, un fil, un murmure, répondant subtilement à une autre.

L’un des thèmes récurrents est une ode à la féminité, non comme représentation unique, mais comme pluralité de présences, de symboles et de tensions. Les fleurs en métal recyclé d’Abdul Rahman Katanani surgissent telles des protestations fragiles, à la fois tendres et puissantes, faisant écho à des vies marquées par l’exil et pourtant fièrement en fleur. Leur beauté sulfureuse échappe à l’ornemental, évoquant les Fleurs du Mal de Baudelaire, où la fleur n’est jamais innocente.

Les photographies et empreintes chorégraphiques de Liu Bolin apportent une autre dimension : une danse entre disparition et apparition, où le corps devient paysage, mémoire ou message. Ses femmes invisibles se fondent dans leur environnement, mais leur absence parle plus fort, affirmant une critique à la fois sociale et intime de l’effacement.

En contrepoint discret, les comtesses au pastel de Gaël Davrinche revisitent le portrait classique avec une dissonance assumée. Leur élégance poudrée dissimule un regard troublant, une ironie consciente qui joue avec les codes de la beauté et du pouvoir. À la fois historiques et imaginaires, ces femmes interrogent notre manière héritée de regarder la figure féminine.

Ensemble, ces œuvres composent une tapisserie émotionnelle, tissée de gestes, de textures et de silences. Elles ne cherchent pas à illustrer un propos, mais suggèrent une constellation de sens, invitant le spectateur à réfléchir, se souvenir et ressentir au fil du temps et des formes.

Des figures emblématiques comme le photographe Erwin Olaf, dont la disparition en 2023 a profondément marqué Hubert Barrère, rencontrent une nouvelle génération d’artistes, parmi lesquels Rakajoo, Charles Hascoët et Saype. La transmission devient alors vibrante, non didactique, mais empreinte de tendresse et d’exigence.

Les œuvres dialoguent comme dans une fugue visuelle. Les gestes artisanaux de Li Hongbo, les portraits voilés des Miaz Brothers et les broderies totémiques d’Eko Nugroho répondent à la lumière de la photographie, à la matière du dessin et à la profondeur de la peinture.

Dans l’esprit des Correspondances de Charles Baudelaire, l’exposition évoque des affinités électives, des amitiés artistiques et des élans esthétiques. Chaque œuvre devient un miroir, un fil, un murmure.