Situé dans une petite rue tranquille du onzième arrondissement, se trouve un endroit où l'air sent le cacao grillé et une symphonie de douceurs. La Chocofiserie n'a peut-être pas la façade grandiose d'une chocolaterie parisienne historique, mais entrez à l'intérieur et vous trouverez quelque chose de bien plus rare : le ronronnement des machines, le tintement régulier des moules en métal, les murs tapissés d'étagères garnies d'ingrédients bruts, et l’odeur persistante d’un chocolat en devenir. C’est un lieu d’artisanat, de passion et de patience. C’est ici que Jean-Pierre et Stan créent du chocolat d’origine pure, de la fève de cacao à la tablette, en utilisant des fèves qu’ils sélectionnent eux-mêmes dans une petite plantation péruvienne. Ils paient pour ces fèves un prix équitable, bien supérieur au cours du marché, afin d’assurer une chaîne de production plus juste et durable.
Je suis venue pour ce qu’ils appellent une initiation au chocolat, un atelier pratique qui transforme les visiteurs en apprentis chocolatiers. Le temps d’un après-midi, chacun enfile un tablier et plonge littéralement les mains dans le cacao. Dès que j’ai franchi la porte, j’ai su que ce ne serait pas une simple dégustation. L’atelier, bien que compact, dégage une énergie concentrée. L’air est chaud, chargé d’arômes grillés et d’un parfum profond et terreux. Le doux bourdonnement des machines remplit l’espace tandis que les chocolatiers s’affairent autour des bassines, des broyeurs, et des tables de travail.
Jean-Pierre et Stan nous ont accueillis avec ce genre d’enthousiasme calme que seuls les passionnés savent transmettre. Le genre d’accueil qui donne immédiatement envie de poser mille questions. Très vite, chacun de nous tenait une poignée de fèves de cacao brutes, encore rugueuses, non torréfiées, à l’apparence austère. Il faut les goûter pour comprendre leur potentiel : intenses, amères, presque boisées.
Nous n’étions pas là pour simplement observer. Nous étions invités à créer. Une fois les étapes de transformation expliquées, nous avons appris à utiliser les machines et compris le cheminement de la fève au chocolat. Puis est venu le moment de passer à l’action. Chaque participant a reçu une douille, une sorte de petite poche en plastique accompagnée d’un plateau recouvert de papier. Le but ? Créer ses propres formes en chocolat fondu, encore chaud, encore brillant. Certains ont formé des lettres, d’autres des motifs abstraits, d’autres encore ont joué sur les textures en ajoutant fruits secs, noix, ou fleurs comestibles.
J’ai choisi d’ajouter des fruits rouges et des amandes entières à ma création, pour un contraste de textures. Il y avait quelque chose de profondément satisfaisant à tracer des formes avec du chocolat liquide, à voir les lignes s’épaissir, figer, puis briller doucement sous la lumière de l’atelier. C’était à la fois ludique, tactile, et sensoriel. On rit, on échange, on goûte. C’est une activité que je recommande sans hésitation à faire en famille, entre amis, ou même seul, tant l’expérience est complète.
Mais au-delà du jeu, on découvre peu à peu l’immense complexité du chocolat. Le cassage des fèves, le vannage pour séparer la cosse du grain, le broyage qui dure parfois des heures, la torréfaction selon le profil aromatique souhaité. Puis vient le tempérage, l’une des étapes les plus délicates. Jean-Pierre nous a expliqué que le chocolat, pour briller et croquer sous la dent, doit être amené à une température précise, puis refroidi, puis réchauffé encore. C’est une question de science, mais aussi de sensibilité. Comme si le chocolat, en tant que matière vivante, nous guidait lui-même vers son état idéal.
Ce qui distingue La Chocofiserie, ce n’est pas seulement la qualité de leur accueil. C’est surtout qu’ils font partie des très rares producteurs français à fabriquer leur chocolat de A à Z. En France, beaucoup de chocolatiers, même les plus réputés, achètent du chocolat déjà préparé sous forme de pistoles ou de blocs. Jean-Pierre et Stan, eux, vont jusqu’à la source. Ils se rendent dans les plantations, choisissent les variétés de cacao qu’ils souhaitent travailler, s’assurent que les conditions de culture respectent l’humain et la nature. Ils produisent sans lécithine, sans additifs, avec du sucre non raffiné. Chaque tablette raconte l’histoire d’un terroir, d’un climat, d’un sol. Le goût est unique. Le chocolat est riche, parfois légèrement acide, toujours profond. Il fond lentement et laisse une empreinte, un souvenir.
Ce lieu m’a permis de voir le chocolat autrement. Non pas comme un produit de consommation rapide, mais comme un aliment noble, complexe, vivant. Derrière chaque carré, il y a un monde de gestes, de décisions, de savoir-faire.
La Chocofiserie est un lieu de passion, mais aussi de pédagogie. On en sort un peu plus informé, un peu plus curieux, et surtout, beaucoup plus gourmand. Que vous soyez un amateur de chocolat noir intense ou simplement en quête d’une activité originale à Paris, je ne peux que vous encourager à pousser la porte de ce petit atelier du onzième arrondissement. C’est bien plus qu’un moment sucré. C’est une invitation à ralentir, à ressentir, à goûter pleinement.