L’exploitation minière constitue depuis plusieurs décennies un pilier majeur de l’économie malienne, jouant un rôle central dans les recettes nationales et le développement économique. La production d’or, en particulier, représente une ressource stratégique, faisant du Mali l’un des principaux producteurs du continent africain.

En 2023, la production aurifère a atteint un niveau record de 65,91 tonnes, générant des recettes d’exportation de plus de 1 926 milliards de francs CFA. Cette performance a renforcé la position du Mali en tant que troisième producteur d’or en Afrique, après l’Afrique du Sud et le Ghana, confirmant ainsi l’importance du secteur minier pour le pays.

Toutefois, cette tendance haussière n’a pas perduré en 2024, où la production industrielle d’or a connu une baisse significative de 23 %, passant à 51 tonnes. Cette diminution s’explique notamment par des tensions accrues entre le gouvernement malien et certaines compagnies minières internationales, notamment Barrick Gold, dont les différends ont conduit à la suspension de certaines opérations. Cette situation a soulevé des inquiétudes quant à la stabilité du secteur et à son attractivité pour les investisseurs étrangers.

Le secteur minier joue un rôle déterminant dans l’économie nationale, comme en témoigne sa contribution substantielle au budget de l’État. En 2023, il a rapporté environ 644 milliards de francs CFA, représentant près de 27,8 % des recettes publiques.

Cette manne financière est essentielle pour financer les infrastructures, l’éducation et les services sociaux du pays. Par ailleurs, l’exploitation industrielle a généré plus de 10 000 emplois directs, sans compter les milliers d’emplois indirects liés aux services connexes. En 2022, le secteur minier représentait environ 9,2 % du produit intérieur brut (PIB), témoignant de son poids économique considérable.

Cependant, cette dépendance au secteur aurifère expose le pays à des risques majeurs. Les fluctuations des prix de l’or sur les marchés internationaux ont un impact direct sur les revenus du Mali, rendant son économie vulnérable aux chocs externes.

Par exemple, en 2022, les recettes publiques issues du secteur ont connu une augmentation de 35 % par rapport à l’année précédente, atteignant 763,7 milliards de francs CFA. Cette hausse illustre à la fois l’importance du secteur et sa fragilité face aux variations des cours mondiaux.

Une baisse soudaine du prix de l’or pourrait entraîner un manque à gagner considérable pour l’État, mettant en péril le financement des projets de développement.

Outre ces défis économiques, l’exploitation minière soulève d’importantes préoccupations environnementales. L’extraction de l’or entraîne souvent une déforestation massive, une dégradation des sols et une pollution des ressources en eau, notamment en raison du rejet de produits chimiques toxiques.

L’exploitation artisanale de l’or, qui représente une part non négligeable du secteur, constitue une source majeure de pollution au mercure. Chaque année, environ 33,3 tonnes de mercure sont utilisées par les orpailleurs, mettant en danger les écosystèmes et la santé des populations locales.

L’accumulation de métaux lourds dans les cours d’eau affecte les communautés vivant en aval des sites d’exploitation, provoquant des maladies et une baisse de la qualité des ressources naturelles.

Les conséquences sociales de l’exploitation minière sont également préoccupantes. Dans plusieurs régions du pays, des tensions émergent régulièrement entre les compagnies minières et les communautés locales. L’accès aux terres, la pollution des sols et de l’eau, ainsi que le déplacement de populations sont des sources fréquentes de conflits.

À Sadiola et Morila, par exemple, des habitants ont dénoncé des expropriations forcées et des violations des droits de l’homme liées aux activités minières. Ces tensions sont exacerbées par une perception d’injustice dans la répartition des richesses générées par le secteur.

Alors que les entreprises minières réalisent des profits considérables, les populations locales constatent peu de retombées directes en termes de développement économique ou d’amélioration des infrastructures.

Face à ces défis, le gouvernement malien a entrepris plusieurs réformes visant à améliorer la gestion du secteur minier et à renforcer son impact positif sur l’économie nationale. L’adoption du nouveau code minier en 2023 marque une étape importante dans cette démarche.

Ce code vise à accroître la participation de l’État et des investisseurs privés nationaux dans les projets miniers, en augmentant leur part de 20 % à 35 %. Cette mesure devrait permettre de capter une plus grande part des bénéfices générés par l’exploitation des ressources naturelles, afin de mieux financer les projets de développement.

L’année 2025 s’annonce cruciale pour le secteur minier malien. Selon le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, le gouvernement prévoit de collecter environ 750 milliards de francs CFA auprès des sociétés minières au cours du premier trimestre.

Cette hausse significative des recettes est attribuée aux réformes récentes et à l’amélioration des mécanismes de collecte des taxes et redevances minières. Par ailleurs, le projet de Loi de finances pour l’exercice 2025 prévoit une augmentation de 10,93 % des recettes publiques par rapport à l’année précédente, atteignant 2 648,9 milliards de francs CFA.

Cette croissance budgétaire est en partie liée aux nouvelles dispositions du code minier et aux efforts visant à optimiser la gestion des ressources du pays.

Dans un contexte de compétition accrue sur le marché africain des ressources naturelles, le Mali doit également anticiper l’impact des nouveaux projets miniers en Afrique de l’Ouest.

En 2025, plusieurs mines d’or devraient entrer en production en Guinée et au Burkina Faso, tandis que le Mali prévoit le développement de projets liés au lithium, un minerai stratégique pour la transition énergétique mondiale.

Cette diversification des ressources exploitées pourrait représenter une opportunité pour l’économie malienne, en réduisant sa dépendance exclusive à l’or. Cependant, elle nécessitera des investissements conséquents et une planification rigoureuse pour éviter les erreurs du passé en matière de gestion minière.

Parallèlement, des initiatives sont mises en place pour rendre l’exploitation minière plus durable. Le Plan d’Action National pour l’Exploitation Minière Artisanale et à Petite Échelle constitue une tentative de réguler l’orpaillage et de limiter l’usage du mercure.

Les entreprises minières sont également encouragées à investir dans des programmes de réhabilitation environnementale afin de restaurer les écosystèmes affectés par les activités extractives. Ces efforts sont cruciaux pour assurer une exploitation plus responsable des ressources naturelles et prévenir les impacts environnementaux à long terme.

Une meilleure implication des communautés locales dans la gestion des ressources minières apparaît également comme une nécessité. Une redistribution plus équitable des richesses issues du secteur permettrait non seulement de réduire les tensions sociales, mais aussi de favoriser une adhésion plus large aux projets d’exploitation.

La mise en place de fonds de développement locaux financés par les revenus miniers pourrait contribuer à améliorer les infrastructures et les services dans les régions touchées par l’activité minière.

L’exploitation minière reste un moteur essentiel de la croissance économique du Mali. Toutefois, les défis environnementaux, sociaux et économiques qui l’accompagnent exigent une gestion plus rigoureuse et une vision à long terme.

La mise en place de régulations plus strictes, le renforcement des capacités institutionnelles et une meilleure redistribution des bénéfices du secteur sont des éléments clés pour garantir un développement durable. Le pays doit impérativement diversifier son économie et anticiper les évolutions du marché afin de réduire sa dépendance à l’or et maximiser les opportunités offertes par les nouvelles ressources stratégiques.

Si le secteur minier a permis au Mali de générer des revenus importants et de se positionner comme un acteur majeur en Afrique, il ne pourra assurer un développement pérenne qu’en adoptant des pratiques plus durables et inclusives.

L’avenir du pays dépendra de sa capacité à concilier exploitation des ressources naturelles et préservation de l’environnement, tout en garantissant des retombées économiques équitables pour l’ensemble de la population.