Il était l’homme le plus attendu de cette année 2024 et il a répondu de la meilleure des manières. L'Italie attendait son nouveau héros national depuis 1976 et le sacre d’Adriano Panatta à Roland-Garros. Deux mois après son titre en Coupe Davis face à l’Australie, Jannik Sinner a confirmé tous les progrès réalisés ces derniers mois en renversant le Russe Daniil Medvedev en cinq manches (3-6, 3-6, 6-4, 6-4, 6-3) au terme d’un combat de 3h44.

Medvedev va sans doute en faire des cauchemars, tout comme Novak Djokovic. C’est en effet la deuxième fois en trois ans que le Russe se fait remonter de deux manches à rien en finale à Melbourne. D’abord, face à Rafael Nadal en 2022, quand le taureau de Manacor était revenu de nulle part pour s’adjuger son vingt-et-unième majeur. Le marathon avait duré 5h24. Ce dimanche, son adversaire a mis une heure et demie et attendu d’être mené de deux sets avant d’enfin rentrer dans la rencontre et mettre le Russe à terre, sans doute éprouvé par ses trois matchs en cinq manches, dont la demie face à un Alexander Zverev harassé.

Djokovic, impuissant face à l’hyperpuissance

Mais cette finale ne fut pas l’affiche de cette édition 2024 du Grand Chelem australien. Le strapontin précédent nous a offert une leçon de tennis comme rarement. Outsider de cette rencontre, Jannik Sinner a réalisé une démonstration face à un Novak Djokovic rapidement dépassé par l’agressivité du quatrième joueur mondial. Rappelons que le Serbe est le dernier à avoir terrassé le jeune Italien à Turin, en finale du Masters. C’était en novembre, dans un format en deux sets gagnants et cet après-midi là, Sinner était passé à côté de son match, cédant sous la pression d’une finale d’un tel événement. L’Italien apprend vite, très vite, et dès la semaine suivante, abattait le Serbe en demi-finale de la Coupe Davis. Une première fois en simple, en trois manches après avoir sauvé trois balles de matchs dans le dernier acte (6-2, 2-6, 7-5) et une deuxième fois en double avec son compatriote Lorenzo Sonego, face à la paire Novak Djokovic-Miomir Kecmanovic (6-4, 6-3) et ainsi envoyer l’Italie en finale.

L’équation était toute autre aux antipodes : battre le Serbe, décuple vainqueur, dans un format en trois sets ou au meilleur des cinq. Et personne ne l’avait fait depuis… six ans, en 2018. À l’époque, le Japonais Chung Yeon s’était offert le scalp du Djoker en trois sets, s’il vous plaît… et depuis, le Belgradois avait aligné 33 matchs sans défaite. Série stoppée donc net en cette chaude journée du 26 janvier. Il fallait, pour ce faire, réaliser le match parfait sans se laisser distraire par le contexte et l’ambiance environnante. Sinner l’a fait, et de quelle manière ! Aucune balle de break concédée et une victoire en quatre manches pour faire tomber le maître des lieux.

Alcaraz l’avait fait à Madrid, Sinner le confirme à Melbourne

Et si la jeunesse avait trouvé la clé ? La fameuse next-next gen dont les grands médias nous vantent les mérites depuis tant d’années, était enfin parvenue à écarter définitivement le Big 3 ? Le tennis, comme tout autre sport, étant une question de cycles, à l’évidence, un nouveau est en train de voir le jour. Preuve en est cet opus 2024, avec une finale inédite depuis 19 ans. Pas de Federer, ni Nadal et donc de Djokovic. La Rod Laver Arena va s’ouvrir sur une nouvelle époque, une jeunesse qui apprend vite, talentueuse à souhait même si parfois insouciante (Alcaraz en quarts face à Zverev) ou encore quelque peu immature (Rune battu par Cazeaux). L’espagnol avait été le premier en 2022 à Madrid à triompher de Djokovic, après avoir sorti son illustre aîné au tour précédent. Rune avait ajouté une pierre à l’édifice en s’offrant le Djoker à Bercy six mois plus tard (pourtant mené d’un set). Sinner, dans la lignée de ses comparses, vient donc de créer un autre exploit, plus retentissant, plus fort encore. Car avant ce 28 janvier 2024, Melbourne était le temple du Serbe, le seul à écrire l’Histoire avec ses dix titres, que certains ont nommé comme “l’incarnation du dur extérieur”, ou tout dur tout court.

Le quatrième joueur mondial n’avait jusque là à son actif que quelques tournois ATP et un Masters 1000 dans la besace, celui de Toronto, acquis en 2023. Le changement d’entraîneur a été le point de départ pour briser le plafond de verre des quarts de finale en Grand Chelem. Cette fois, et il vient de le montrer, il est maintenant fin prêt pour les grandes échéances. Faire tomber le numéro 1 mondial, même à 37 ans et ce, trois fois en deux mois ne tient plus du hasard, mais d’un travail impressionnant en amont qui a profondément transformé le natif de San Candido. L’hyperpuissance, devenue la norme aujourd’hui, est donc en train de s’installer au pouvoir. La question est maintenant de savoir si l’Italien fera cavalier seul dans les années à venir, ou si Carlos Alcaraz parviendra à tenir le rythme et Holger Rune de s’émanciper pour conquérir le Graal. Quoiqu’il en soit, une page de l’ère Open se tourne en ce dimanche de fin janvier, et la relève est (enfin) là.