Au début des années 2000, à une époque où les joueurs étaient en fin de carrière aux alentours de la trentaine, certains d’entre eux s’offraient alors un dernier défi loin de l’Europe, souvent vers les États-Unis (MLS) ou le championnat qatari.

Quelques années plus tard, avec l’arrivé au pouvoir de Xi Jinping, le football devient l’une des priorités du nouveau président chinois. Avec de gros moyens et proposant des salaires mirobolants pour l’époque, le championnat chinois devient le nouvel eldorado des footballeurs européens en fin de carrière. De grands noms du football européens s’en vont vers l’Asie, Lavezzi, Oscar, Hulk, Mascherano ou encore Alexandre Pato. Mais le rêve s’est brisé pour plusieurs facteurs, la taxation des transferts des joueurs étrangers à 100 %, la forte corruption autour des clubs, l’effondrement économique des grandes entreprises de l’immobilier, mais surtout le Covid qui a tout arrêté. Depuis, la Chine a changé de politique concernant le développement du football sur son territoire.

Dans la même période, l’Inde a tenté de médiatiser son championnat avec la venue de joueurs en fin de carrière comme Robert Pirès, David Trezeguet ou encore Alessandro Del Piero, mais l’intérêt n’a jamais rencontré de grands succès.

Mais pourquoi le cas de l’Arabie Saoudite est différent ? La différence avec les cas de la Chine et de l’Inde, c’est le prestige des joueurs, le pays du Moyen-Orient a réussi à attirer des footballeurs qui auraient pu toujours jouer à très haut niveau en Europe. Les entraîneurs de renom international sont également visés. Contrairement au championnat chinois, l’Arabie Saoudite ne veut pas attendre et veut concurrencer les championnats européens dans un futur proche.

Tout s’est passé rapidement, il y a encore un an, personne ne pensait qu’autant de joueurs partiraient en Arabie Saoudite. Il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. Auparavant, les clubs étaient de propriété publique sous la supervision du ministère des sports mais cinq d’entre eux sont devenues privés avec le même fond d’investissement, le PIF (Fonds Souverain Saoudien). Tous les clubs seront privatisés d’ici 2030. Autre changement, le format du championnat, passant de 16 à 18 clubs et seront autorisés à aligner huit joueurs étrangers contre six antérieurement. Il y a encore dix ans, le quota de joueurs étrangers était seulement de quatre.

Autre changement majeur, où toutes les caméras se sont tournées vers le pays, est la venue grandiose de Cristiano Ronaldo en janvier dernier. Le portugais est arrivé comme une « Rockstar » dans un stade plein pour sa présentation. Jamais un joueur si emblématique n'avait joué pour une équipe du Golfe. Il touche 200 millions d’euros de salaire par an pour un contrat de deux ans et demi, et 200 autres millions d’euros pour promouvoir la candidature pour la Coupe du monde 2030 conjointe avec la Grèce et l’Égypte. Avec cette décision de venir en Arabie Saoudite, le Lusitanien a ouvert la voie à beaucoup d’autres joueurs.

L’objectif du pays, sous l’impulsion du prince héritier, est d’améliorer son image par le sport. Le pays organise également un grand prix de Formule 1 et a lancé le circuit de golf dissident et polémique L.I.V, qui a récemment fusionné avec le PGA Tour (le circuit officiel de golf). La Saudi Pro League (nom du championnat saoudien) veut intégrer le top 10 voire le top 5 des championnats les plus importants du monde, ce qui signifie concurrencer l’Europe sur du moyen terme. Depuis peu, Canal Plus a acquis les droits pour diffuser le championnat, une première étape dans la médiatisation de la ligue en France. Il y a également une stratégie financière pour la ligue saoudienne, elle pourrait doubler ses recettes pour un atteindre 8 milliards Riyals (2 milliards d’euros).

Beaucoup de spécialistes du ballon rond se posent la question si cet événement peut faire de l’ombre à l’Europe et ses puissants championnats. Les avis sont divers sur la question, certains y voient une menace, d’autres non. Dans le milieu du football, l’entraîneur de Liverpool, Jurgen Klopp s’est exprimé sur le sujet et a montré son inquiétude sur l’influence nocive de l’Arabie Saoudite sur le marché des transferts. En plus des sommes proposés, les clubs saoudiens ont un autre avantage, celui d’avoir une fenêtre de transfert élargie de trois semaines par rapport aux clubs européens, ce qui pourrait être problématique pour l’Europe et ne permettrait pas aux clubs du vieux continent de se retourner en cas de perte d’un ou plusieurs joueurs.

L’entraineur allemand sait de quoi il parle, trois de ses joueurs cadres sont partis et le club de la Mersey a du mal à les remplacer. Également interrogé sur le sujet, Thomas Tuchel, entraineur du Bayern Munich, a comparé les débuts de l’Arabie Saoudite à celui de la Chine en déclarant « Il y a eu une ruée vers l’or du même type, et nous voyons maintenant un autre championnat essayer de devenir plus populaire et célèbre ».

L’Arabie Saoudite n’est pas encore au niveau pour devenir une menace pour l’Europe, mais avec ses transferts retentissant et ses sommes mises sur la table, le pays est écouté et pris très au sérieux par le monde du football où l’Europe a toujours été leader depuis plus d’un siècle. En l’espace de quelques mois, le pays du Golfe a bouleversé le marché et est passé dans une autre dimension. Où s’arrêtera t-il ? C’est désormais la seule question que tout le monde se pose.

Notes

Mercato - Jürgen Klopp monte au créneau sur les transferts en Arabie saoudite.
La liste des joueurs de foot partis en Arabie Saoudite.
Cristiano Ronaldo touchera 400 millions d'euros en Arabie saoudite.
Foot : l'émergence de l'Arabie saoudite sur le marché des transferts «n'inquiète pas» la MLS, selon son patron.