Une artiste très peu connue du grand public a fait cette année son retour posthume grâce à une exposition à l’Institut du Monde arabe intitulée, « Baya, icône de la peinture algérienne. Femmes en leur Jardin ». Les visiteurs ont pu apprécier les œuvres riches de couleurs et de symboles d’une artiste incroyable dont le parcours pousse à l’admiration. Albert Camus, son contemporain sera subjugué par ses œuvres, en témoigne son propos, "j’ai beaucoup admiré l’espèce de miracle dont témoigne chacune de ses œuvres. Dans ce Paris noir et apeuré, c’est une joie des yeux et du cœur".

Rien ne prédisposait, celle qui est née Fatma Haddad en 1931, à devenir une des artistes algériennes les plus connues. En effet, Baya est née pauvre, dans une Algérie colonisée où l’instruction était réservée en majeur partie aux colons et où naître femme n’était pas un avantage. Pourtant, elle fascinera nombre d’intellectuels parisiens par la richesse picturale de ses tableaux haut en couleur, où se mélangent toutes ses influences, kabyles et arabes. Baya a su conquérir le monde fermé de l’art grâce à des productions où une nature luxuriante met en scène les différentes palettes de l’amour maternel.

Tout a débuté dans une ferme coloniale où la grand-mère de Baya travaillait. La propriétaire des lieux y reçoit la visite de sa sœur sœur, Marguerite Caminat (1903-1987), qui tombe littéralement en amour de cette jeune fille dont elle découvre le talent artistique grâce à ses dessins sur le sable et ses sculptures en terre. Elle décide de l’adopter et de l’encourager dans son art. Marguerite présentera Baya à Maeght, galeriste et marchand d’art de renom qui adore l’univers de la jeune fille, avec ses oiseaux, sa profusion de plantes, de fleurs, d’oliviers, de palmiers dattiers.

En quelques mois, la vie de Baya prend une direction inattendue. Elle devient l’icône du tout Paris et fait même la couverture de Vogue. Elle s’installera dans l’atelier Madoura de Vallauris, ou elle réalisera des sculptures en céramique. Son voisin n’est autre que Picasso, lui également est en admiration devant les sculptures en argile de Baya d’où jaillissent une force émotionnelle éclatante. On dit même qu’elle aurait inspiré le peintre espagnol. Le grand surréaliste, André Breton, est envouté par les couleurs chatoyantes et l’univers onirique de Baya. Il en vient à la définir comme "la reine d'un monde nouveau».

Son inspiration, Baya va la puiser dans les contes de son enfance, ceux qu’on lui a transmis dans l’oralité d’un partage. Elle n’a eu de cesse de souligner la part importante des récits dans son inspiration. Si elle est devenue sculptrice également, c’est parce qu’elle a appris des femmes de son entourage le travail de l’argile. Baya ne cessera de nourrir son œuvre de figures féminines féeriques. Des femmes oiseaux avec des tenues de reine ornées de symboles berbères. Une image sans cesse renouvelée de la mère qu’elle a perdu jeune.

Vous pouvez découvrir les œuvres de cette artiste incomparable dans plusieurs musées internationaux : Centre national des Arts plastiques, Fondation Marguerite et Aimé Maeght, LaM de Lille, Musée d’art brut de Lausanne, Musée Cantini de Marseille, Musée de Laval, Musée de l’Institut du monde arabe, Musée Réattu d’Arles, Mathaf , Musée d’art moderne du Qatar, Barjeel Art Founda-tion, Kamel Lazaar Foundation, Ramzi and Saeda Dalloul Art Foundation, dans des musées au Japon et à Cuba et au Centre de la Vieille Charité de Marseille du 13 mai au 24 septembre 2023.