De son temps, on l’appelait le « maître de l’art du bronze », mais il ne faut pas s’attendre à de grandes figures en ronde-bosse avec Andrea Riccio. Au contraire, l’artiste s’est fait une belle renommée grâce à des sculptures de petite taille comme ce Cavalier Hurlant, véritable trésor des collections du Victoria & Albert Museum à Londres.

Ce genre d’objet était particulièrement apprécié des collectionneurs du XVIème siècle qui prenaient plaisir à les contempler, en les saisissant, en les faisant tourner pour faire jouer la lumière sur les surfaces. Bien évidemment, les sujets étaient choisis pour leur plaire et résonnaient avec la culture du temps. C’est le cas de notre cavalier : vêtu d’une armure à l’antique, il semble hurler un ordre avant de lancer son fougueux cheval dans la bataille. Ce guerrier représente ainsi parfaitement le goût du XVIème pour le monde antique mais aussi les recherches plastiques des artistes pour rendre l’expressivité des personnages.

Le cercle dans lequel Riccio évolua n’est sans doute pas étranger à ces choix. Ce fils d’orfèvre passa toute sa carrière à Padoue, l’un des grands centres de fabrication des petits bronzes, une ville fortement marquée par la figure du grand Donatello. Padoue s’enorgueillissait aussi d’abriter l’une des plus anciennes universités d’Europe ; la question de la redécouverte de l’antique était donc au cœur du travail des érudits. Pour les sculpteurs, le modèle romain était alors incontournable, à la fois sujet d’inspiration et d’émulation. Riccio n’échappe pas à la règle, d’autant plus que nombre de ses amis appartenaient au cercle des lettrés et humanistes. Ce n’est donc pas un hasard si ce cavalier monte à cru ou si son armure est décorée de grotesques et d’une harpie sur la poitrine ; motifs sortis tout droit des reliefs romains et que l’artiste sembla particulièrement apprécier puisqu’on retrouve une armure tout à fait similaire sur le buste de son Orphée. Cependant, l’artiste ne se contente pas de reproduire l’antique, il crée aussi des formes originales. Il suffit de regarder le heaume de ce cavalier où Riccio assemble différentes créatures : deux putti tiennent la queue d’un monstre qui forme le casque.

Riccio n’était pas seulement sculpteur, il était aussi fondeur, ce qui lui permettait de maîtriser la totalité du processus de création. Avec le procédé de fonte à la cire perdue, il ne choisit pas la facilité, car cette technique ne permet de produire qu’un seul exemplaire et détruit le modèle d’origine en cire mais elle permet une grande qualité de détails. Voilà comment l’artiste parvint à rendre les ornements de l’armure mais aussi à travailler l’expression du cavalier et de sa monture. La sculpture perdrait beaucoup sans cela : ce sont les naseaux dilatés du cheval, ses muscles nerveux mais aussi les narines frémissantes du cavalier, son regard perçant et les creux autour de sa bouche qui transmettent au spectateur toute la violence de l’action.

Ce principe des mouvements du corps traduisant les mouvements de l’âme n’est évidemment pas sans nous rappeler les recherches d’artistes autrement plus célèbres, Andrea Mantegna peut-être, dans sa gravure Le combat des dieux marins, mais surtout le travail de Léonard de Vinci pour la Bataille d’Anghiari. L’œuvre de Riccio s’inscrit donc dans des champs de recherche communs aux artistes de la Renaissance. Tout comme Léonard, la synergie qu’il crée entre le guerrier et son destrier dans leurs attitudes qui se répondent en miroir, renforce le lien très fort qui unit ces deux êtres, une osmose qui ne pourra que les mener à la victoire.