J’ai toujours aimé l’architecture, ce que l’homme peut créer de son intelligence et de son esprit : « des spectacles artificiels », m’a reproché quelqu’un, par rapport aux « spectacles de la nature »… A noter que je n’ai jamais affirmé de mépriser la nature, je suis bien loin de vouloir marquer des contrastes ! Le charme de certains lieux déclenche justement de l’union intime des constructions humaines avec celles naturelles… C’est peut-être pour cela que je trouve les ruines particulièrement fascinantes, les abbayes en ruine surtout…

De ma vie, j’ai entendu parler des Highlands d’Écosse, de ses lacs, de ses monstres mythiques qui surgissent des eaux et du brouillard, mais quelle émotion de découvrir que pour bien voir et comprendre ces terres et ces paysages on ne peut pas se passer de leur histoire et de ce que les hommes du passé ont laissé aux Écossais du présent!

Certains châteaux, rarement des « palais de plaisance », vivent encore de l’amour que leurs propriétaires y ont infusé pendant les siècles, chaque génération y ayant laissé sa trace intacte. Dehors forts, rudes, ils font face aux paysages et au climat parfois brutaux de ces terres, mais à l’intérieur vous ressentez que quelqu’un y habite: des portraits, des photos, les cheminés, les chauds tapis de tartan, les cors d’ivoire et d’argent des familles nobles médiévales vous accueillent à Cawdor, à Eilean Donan, à Crathes, en vous faisant sentir comme chez vous... D’autres châteaux vivent des légendes et de grands personnages qui y ont vécu et ce n’est qu’en fouillant parmi leurs pierres qu’on peut respirer la vie du passé : à Linlithgow on retrouve Marie Stuart, à Dunnhottar l’épisode des insignes royaux cachés et défendus contre l’ennemi anglais…
Sur la côte est, de Edinbourg vers Aberdeen, puis sur la côte nord, à Elgin, on ne rencontre pas seulement des châteaux, anciens gardiens sur les falaises : on se trouve face à face avec des abbayes gothiques auxquelles on ne s’y attendait pas ! Les romantiques et le revival du folk et du Moyen Âge nous parlent des clans des Mac Donald, des Macleod et bien d’autres, de la lutte des Écossais pour leur liberté contre les Anglais ou de héros comme Rob Roy, mais tout cela est un conte incomplet!

Là, quand on se trouve face aux cathédrales, sous les tours gothiques de façades qui n’ont plus de parois, plus de toitures, plus d’arcs boutants, là alors, à travers les fenêtres trilobées sans vitraux, à travers les piliers sans naves, on comprend la profondeur de l’histoire de la dure terre écossaise : l’abbaye de St. Andrews était un phare de salut pour les navires des pèlerins et des commerçants, un phare de culture, richesse et pouvoir de l’Église catholique… mais ses ruines et les tours de la cathédrale dominent encore la mer… et comme St. Andrews, Arbroath, Elgin et Holyrood, phares d’ Écosse jusqu’au XVI siècle, jusqu’au protestantisme…

Le roi David Ier rêva une fois de se promener à cheval à Edinbourg, près du Siège d’Artur, le volcan aux pieds de la ville ancienne, et il eut une vision d’un agneau sur une croix et là, sur ce pré, il fit bâtir son Palais Royal et son église. Et aujourd’hui, à Holyrood, en se promenant comme le roi autrefois, parmi les ruines gothiques et les grands arbres du parc, on admire le contraste des couleurs, le gris des pierres et l’ éblouissant vert du pré et on perçoit le lien étroit entre ces anciens édifices et les lieux qui les abritent : les uns ne pourraient pas exister sans les autres, les œuvres de l’homme sont ici entièrement modelés par la nature, les bois et les falaises cachant souvent les bâtiments à un œil peu attentif, les châteaux et les abbayes à souligner, la beauté et la force de ces endroits…

Et les Écossais, fiers de leur terre et de leurs eaux, de leur histoire, de ce qu’ils ont su défendre et préserver, témoignent de tout cela dans leur whisky, leurs tartans, leurs légendes et dans leur gentillesse avec les touristes, qui sont toujours les bienvenus !