Un cabinet de curiosité, drôle de titre. Pour cette nouvelle exposition Céleste Boursier-Mougenot s’empare de l’espace souterrain de la galerie Xippas Paris et le transforme en une caverne ténébreuse ou une boîte de nuit fantomatique. Les œuvres solidvideo présentées ont été inspirées par une mythologie urbaine, la TransCommunication Instrumentale, pratique paranormale dont les adeptes sont persuadés que dans certaines conditions des artefacts audio-visuels tels que bruit blanc, effet larsen et autre neige cathodique auraient le pouvoir de mettre en relation notre monde physique avec un au-delà. L’artiste nous invite à entrer dans cette zone déstabilisante, semblable à cet envers hétéroclite qui existerait de l’autre côté de l’écran du moniteur ou de l’objectif de la caméra, ou des deux, au moment où ils sont mis en rapport direct, l’un faisant face à l’autre. N’étant nullement un lieu d’objectivité standardisée et familière, elle est peuplée de formes visuelles et sonores abstraites qui suivent leur propre logique, logique forcément curieuse et différente de la nôtre.

Et puis, la réflexion sur le rapport entre la lumière, le son et l’espace continue à travers la présentation des œuvres qui transforme celui-ci en un environnement particulier pour regarder ces toiles. La salle est plongée dans une obscurité qui fait disparaître les murs. Seules les toiles sont éclairées, telles des icônes épiphaniques : elles semblent flotter dans l’espace ténébreux. Pour s’approcher, le visiteur marche sur un sol devenu mou. Cette sensation d’équilibre instable le conduit à mémoriser corporellement son expérience. Il entend l’onde monotone issue du bruit des images qui tourne autour de lui. Ce qu’il lui reste à faire, c’est simplement d’être à l’écoute de sa perception, en suivant la maxime par laquelle l’artiste définit sa propre pratique. Après tout, ce dernier n’a pas créé ces formes, il les a tout simplement convoquées, captées, enregistrées, fixées pour nous parler de peinture. Il agence les conditions qui permettent aux formes de surgir et, ensuite, imagine l’environnement qui rendra sa perception aux autres. Restant à l’écoute des choses animées ou devenues animées, car même les artefacts technologiques s’animent devenant presque vivants dans l’univers qu’il explore. Céleste Boursier-Mougenot chercherait-il à “hacker à l’intérieur du système. S’y fusionner assez profondément jusqu’à ce que ça soit ce système-ci et non pas lui-même qui commence à nous parler“* ?

Céleste Boursier-Mougenot est né à Nice en 1961. Il vit et travaille à Sète en France. Figure majeure dans le paysage de l’art contemporain international, il a été lauréat de l’International Studio Program (PS1) à New York en 1998-99. De nombreuses institutions lui ont consacré des expositions personnelles : le HAB Galerie à Nantes (2018), le Minsheng Art Museum de Shanghai et le Centre d’art contemporain Yverdon-les-Bains en Suisse (2017), le Copenhagen Contemporary au Danemark (2016-2017), le Palais de Tokyo à Paris (2015), le Forum du Centre Pompidou-Metz (2015), les Abattoirs de Toulouse (2014), le Peabody Essex Museum aux États-Unis (2014), la National Gallery Victoria à Melbourne (2013) et la Maison Rouge à Paris (2010), entre autres. En 2015, il représente la France à la 56ème Biennale de Venise. Il participe à la 13ème et à la 14ème Biennale d’art contemporain de Lyon en 2015 et en 2017.