Je passe beaucoup de temps à respirer. Dépassé par le travail.
16h. Je m’allonge sur mon lit, je ne dors pas, mes yeux regardent le plafond. Je me laisse traverser par mes pensées.
Mon manuscrit cherche un éditeur. D’autres mots occupent désormais mon temps. Il faut du temps, le temps d’écrire, le temps d’être lu, le temps d'en rendre compte.
Les installations réalisées pour la galerie Backslash montrent ce temps. 5 espaces, 5 installations sonores et visuelles exposent le parcours de l’écriture. À la fois passée et présente, elle se donne au dehors.

Les touchants

LUC : Je ferme les yeux. Mon doigt parcourt la peau de mon visage.
Une main dessine ce que l’autre main touche.
Les dessins sont posés en équilibre contre le mur. Je les regarde.
Je ne sais pas s’ils sont bons.
Je ne sais pas si sans un texte ils peuvent exister.
BACKSLASH : Accrochées en drapeaux, des séries de dessins présentent des portraits. Chaque image montre un visage. Une voix parle. Les dessins ont traversé le corps et l’esprit de l’artiste pour se retrouver sur le papier.

Tomber des mains

LUC : La main droite dessine la main gauche.
La main gauche dessine la main droite.
Attendre.
Le texte est refusé par certains, aimé par d’autres.
BACKSLASH : Au mur, des mains dessinées ; entre elles, le vide. L’artiste manipule les lettres qu’il reçoit. Sa voix retrace le parcours du manuscrit, de mains en mains, de bouche-à-oreille.

Votre tâche est peut-être de l’écrire

LUC : Je lui parle de ma tâche, celle de sauver le monde.
« Votre tâche est peut-être de l’écrire ? » Je travaille un texte en permanence. Je me réveille en pleine nuit pour modifier un mot, obsédé par l’équilibre d’une phrase. Je lis ce texte, ma main écrit ce que je lis sans que mes yeux ne regardent ce qui s’écrit.
BACKSLASH : Le manuscrit se déploie sur le mur et au sol. Un livre ouvert. Le texte occupe le plus grand espace de la galerie.

Il y a des bruits dans le couloir

En collaboration avec le duo Thérèse Verrat et Vincent Toussaint LUC : Ces mots qui se suivent, toutes ces phrases, c’est ma peau.
Je mets des morceaux de scotch dans mes yeux.
Je pense à Thérèse. Un produit chimique a giclé dans son œil.
« Qu’est-ce que tu vois ? »
J’ouvre les yeux, le mur, la lumière, elle serre fort ma main.
BACKSLASH : Luc parle d’un gouffre. Les mots sont dangereux. Il appelle Thérèse. Vincent filme leurs mains qui jouent ensemble. Des tirages photographiques réalisés par Thérèse et Vincent complètent le processus, l’image prend le relais de la parole.

Jusqu’à sa disparition

LUC : J’écrase le stylo pour en faire sortir l'encre.
Je l'étale sur la première page d'un cahier.
La tache a traversé les couches de papier.
Jusqu’à sa disparition. BACKSLASH : Dans la dernière salle de l'exposition, des taches traversent des couches de papier, jusqu’à disparaître. L’encre ne laisse plus qu’un souvenir. Comment un texte peut-il exister si personne ne le lit ? Comment tourner la page ?

Luc Schuhmacher a étudié à l'École Nationale des Beaux-Arts de Paris dans les ateliers de Christian Boltanski et de Claude Closky. Son travail a été exposé entres autres au MacVal ou lors de l’édition 2006 de Nuit Blanche. La même année, il réalise une performance au Grand Palais avec Claude Closky. Après deux expositions personnelles en 2011 et en 2015, la Galerie Backslash lui consacre de nouveau ses espaces à l’automne 2018.

Toutes les installations se composent d’un dispositif visuel (dessins au feutre ou au stylo bic, feuillets manuscrits autographes, vidéo et tirages photographiques), et d’un dispositif d’écoute que le spectateur est libre de déclencher. Chaque pièce sonore fait l’objet d’une édition gravée sur disque.