Depuis les années 1980, Bernadette Chéné est régulièrement invitée par des musées et centres d’art pour concevoir des œuvres, souvent de grande taille, spécifiquement imaginées pour les lieux qui les accueillent. Pour la première fois à Bruxelles elle pourra présenter certaines de ces grandes sculptures dans le cadre d’une galerie, sous la verrière de la Galerie La Forest Divonne, rue de L’Hôtel des Monnaies. C’est l’occasion de revenir sur plus de 30 ans de création en présentant des œuvres conçues de 1989 à 2016 : des pièces en bois, en osier, en métal ou en papier journal, et la présentation quasi-inédite d’une série d’encres sur papier.

Le parcours artistique de Bernadette Chéné a été marqué en profondeur par la pratique de la tapisse- rie et du tissage au début des années 1980. Le savoir-faire, la patience, l’accumulation, permettent de sublimer un matériau simple. La tapisserie apprend la mesure de l’espace, le rapport au lieu.

Portée par l’héritage du Minimalisme et de l’Arte Povera, Bernadette Chéné utilise des matériaux simples, quotidiens, familiers, pour en exploiter les formidables qualités plastiques. Elle laisse ré- solument l’ornement à distance pour favoriser l’écoute, la perception subtile. La place du papier journal devient ainsi centrale dans son travail : quand le quotidien permet de révéler l’essentiel.

La simplicité, Bernadette Chéné ne la cultive pas seulement dans les matériaux, mais aussi dans les formes : elle s’appuie sur la géométrie primaire, des cercles, des triangles, des colonnes ou des pyra- mides pour révéler le fond des choses, pour aboutir à ce que Didier Arnaudet appelle une «nudité complexe ».

Bernadette Chéné révèle la vibration subtile des matériaux, le plus souvent vivants comme le bois, l’osier, le papier. Des matériaux qui continuent de s’épanouir dans le temps, à l’instar de cet « Osier étourdi » qui continue de chercher la lumière, ou de ce papier qui prend au fil des ans une chaude cou- leur dorée.

Car c’est aussi le temps qui est toujours en jeu : dans les cernes du bois qu’elle expose et dont elle joue, compressés sous l’écorce des troncs ou étendus à l’infini dans les « déroulés ». Le temps quoti- dien du journal bien sûr, qui marque chaque jour de ses éditions successives, et en détaille les événe- ments. Bernadette Chéné aime aussi à rappeler cette définition que donne Le Robert du mot journal : ancienne unité de surface correspondant au terrain labourable par un attelage au cours d’une journée. Une unité de temps. Ces accumulations de journaux sont du temps, compressé, enfermé, arrêté. Des journaux que Bernadette Chéné tord, conserve, assemble, et ne coupe jamais, « par respect, dit-elle, pour cette charge d’écrit qui forme histoire ».

Une histoire de bois, de papier et d’osier à découvrir à La Galerie La Forest Divonne – Bruxelles du 8 février au 25 mars.