Il aimait les femmes, l’alcool et les paysages. Écrivain profondément béarnais, poète fantaisiste, Paul-Jean Toulet vécut une existence tumultueuse teintée de nostalgie.

Une enfance mouvementée

Paul-Jean Toulet est né à Pau le 5 juin 1867. Ses parents sont Bernard-Gaston Toulet, planteur propriétaire à l’Île Maurice, et Marie-Emma Lousteau-Lalanne, épousée en 1864. Le couple rentre en France pour sa naissance, mais Marie-Emma décède malheureusement des suites de l’accouchement. Après le départ de son père pour l’Île Maurice, le petit Paul-Jean est confié à son grand-père, Pierre Toulet, et l’un de ses oncles, Jacques Terlé, qui habitent tous deux la Villa Mauricia, à Billère.

Paul-Jean entame sa scolarité chez les Dominicains. En 1879, il entre en cinquième au lycée de Pau, dont il sera renvoyé pour indiscipline en 1882. Il est ensuite admis au lycée de Bayonne en troisième et demeure alors chez le commandant Dahadre, un autre de ses oncles paternels. Également exclu de cet établissement, il intègre l’Institut Charlemagne de Bayonne où il obtient la première partie du baccalauréat ès lettres en 1883. Il poursuit sa scolarité à l’Institution Courdurier de Bordeaux puis au lycée de Saintes, où il décroche la deuxième partie du diplôme en 1885. Sous les initiales « O. B. », il publie un premier texte intitulé Le Salon saintais dans Le Phare des Charentes.

Voyages initiatiques

En 1885, Paul-Jean Toulet embarque à Marseille pour l’Île Maurice. Il demeure trois ans chez son père et mène une vie de dandy bohème. Il s’adonne à la lecture, joue au baccara, goûte diverses drogues et fait des rencontres féminines. Il écrit en outre un article sur l’électricité dans le Journal de Maurice et compose des vers, dont quatre Sonnets exotiques.

Le jeune Toulet reprend ses pérégrinations en septembre 1888, qui le mènent à Marseille, Suez, puis Alexandrie. Il séjourne à Alger en 1889 et suit des cours à la faculté des lettres. Sous divers pseudonymes, il fait paraître des articles sur la Révolution française, des chroniques, des sonnets et des pièces de théâtre dans des journaux locaux.

De retour en Béarn fin 1889, Toulet demeure dans les Landes puis au château de la Rafette, à Saint-Loubès. Voguant entre Pau, Bayonne et Biarritz, il se repaît de lectures, d’écritures, de loisirs, de jeux et de liaisons. Il séjourne à Paris en 1892 où il fait la connaissance de Charles Maurras et de Toulouse-Lautrec.

À nous deux, Paris!

En 1898, Paul-Jean Toulet prend la décision décisive de s’installer à Paris. Il partage un appartement avec Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky, René Princeteau, Robert de Montesquiou et Auguste d’Avezac de Castera. Paraissent ses Entr’actes (épigrammes et élégies) dans La Revue blanche, ainsi qu’un roman intitulé Monsieur du Paur, homme public. Néanmoins, sa fortune est peu à peu dilapidée. Flanqué de Curnonsky, l’écrivain se complaît dans une existence de noctambule boulevardier. Il fréquente les bars et restaurants chics de la capitale : le Weber de la rue Royale, l’Élysée-Palace sur les Champs-Élysées ou le Café de la Paix près de l’Opéra.

Toulet écrit sous divers pseudonymes dans La Vie parisienne. Avec le fidèle Curnonsky, il publie également Le Bréviaire des courtisanes en 1899 et Le Métier d’amant en 1900 chez Simonis Empis. De novembre 1902 à août 1903, les deux compères effectuent un reportage sur l’exposition de Hanoï (Indochine française) et visitent plusieurs grandes villes asiatiques. Les notes de voyage de l’auteur distillent la nostalgie des Grands Boulevards et de son univers.

En 1908, Toulet, à court d’argent, devient le « nègre » d’Henry Gauthier-Villars, ex-mari de Colette, alias Willy. Les travaux effectués traduisent un aveu d’échec littéraire et financier, malgré les nombreux articles et chroniques publiés en parallèle dans de grands journaux et revues. En 1910, paraissent les Madrigaux, première série de contrerimes, ainsi que d’autres poèmes, dans Les Guêpes et dans Les Marges, en 1911 et en 1912.

L’hiver du poète

En 1912, Paul-Jean Toulet quitte définitivement Paris et s’installe chez sa sœur Jane au château de la Rafette. Son aura littéraire se fait réellement sentir vers 1913 tandis qu’un cercle de poètes fantaisistes le prend pour chef de file. En 1914, un numéro de la revue Le Divan lui est entièrement consacré, faisant figurer un chapelet de nouveaux poèmes.

Au début de la Première Guerre mondiale, Toulet postule au secrétariat des Armées mais sa demande est rejetée. En 1916, il épouse Marie Vergon, fille d’un restaurateur. Vient le temps des dernières publications anthumes sous la forme d’un recueil de contes et de nouvelles, ainsi que de deux biographies. L’écrivain meurt à Guéthary le 6 septembre 1920 à l’âge de 53 ans, emporté par une hémorragie cérébrale.

Les Contrerimes

En février 1921, cinq mois après sa disparition, paraissent aux éditions du Divan et chez Émile-Paul frères Les Contrerimes. Ce recueil, unique dans l’histoire de la poésie française, compte soixante-dix contrerimes, quatorze chansons, douze dizains et cent-neuf couples. Il devait initialement être publié en 1913, puis en 1914, avant d’être différé par la guerre et assurera la gloire postérieure de son auteur.

Lors de son décès, celui-ci laisse un ultime poème inachevé :

Ce n'est pas drôle de mourir
Et d'aimer tant de choses
La nuit bleue et les matins roses
Le verger plein de glaïeuls roses
L'amour prompt
Les fruits lents à mûrir…
Enfance, cœur léger.

Paul-Jean Toulet a donné son nom à une résidence sise au 100 avenue du Loup à Pau. Une ribambelle de mômes s’égayaient, sur les espaces verts dans la douceur des années 80. C’était la période de l’innocence, de l’insouciance. « J’aimerai toujours Pau dans mon souvenir. », écrivait Toulet dans une des Lettres à soi-même.

Béarn à vous.