Annoncé sur la pente descendante après les départs de ses stars, critiqué pour son irrégularité en Ligue des champions, le Paris Saint-Germain a pourtant tout renversé. Champion de France, vainqueur de la Coupe, et surtout sacré en Ligue des champions, le club parisien a bouclé l’une des plus belles saisons de son histoire. À la baguette, Luis Enrique, artisan d’un projet plus collectif et peut-être un Ballon d’Or surprise à la clé.
“Fluctuat nec mergitur”, battu par les flots mais ne sombre pas
Il y a parfois des saisons qui naissent dans le doute, se nourrissent des critiques, et murmurent leur promesse au creux du chaos. Celle du PSG 2024/25 commence ainsi : dans l’ombre des absents, dans le silence des ambitions revues à la baisse. Mbappé est parti. Neymar n’est plus qu’un souvenir. Messi, un chapitre clos. Pour la première fois depuis plus d’une décennie, le club de la capitale entre dans une saison sans star planétaire pour guider la lumière. À la place, un effectif rajeuni, cohérent, mais loin du bling-bling d’antan. Les recrues sont discrètes, les prises de parole mesurées. Le jeu, lui, peine à prendre forme. Sur le terrain, les résultats donnent d’abord raison aux pessimistes.
En Ligue 1, Paris ne connaît pas de doutes, 10 victoires sur les douze premiers matchs. Mais c’est en Ligue des champions que le climat se gâte. Trois défaites sur les huit matchs de cette phase préliminaire nouvelle formule, et une question s’impose : le PSG a-t-il encore sa place dans la cour des grands ?
Mais dans cette tempête naissante, un homme surnage : Ousmane Dembélé. Souvent blessé, parfois décrié, il connaît cette saison-là un renouveau spectaculaire. Percutant, inspiré, décisif. À lui seul, il entretient l’espoir et rallume le feu. Un come-back hallucinant contre Manchester City, menés 2 à 0, ils renversent la vapeur en quatre minutes pour l’emporter 4 buts à 2. Puis ils valident leur qualification contre le VfB Stuttgart, 4 buts à 1. Un match plein, tactiquement abouti, maîtrisé de bout en bout. Pour la première fois, l’équipe semble respirer un football collectif, où chaque joueur trouve sa place. Paris commence à exister autrement : sans légende, mais avec une idée.
Le printemps Parisien
Il y a des campagnes européennes qui forgent des souvenirs, et d’autres qui bâtissent des légendes. Celle du Paris Saint-Germain, version 2024/25, appartient à la seconde catégorie. Elle commence dans l’indifférence, se poursuit dans la douleur, et s’achève par un sacrifice méthodique des géants du football anglais. La Ligue des champions, souvent théâtre de ses tragédies, devient enfin pour le PSG le lieu d’un accomplissement, d’un rachat, d’une épopée. La qualification en seizièmes de finale tient du miracle calculé. Loin de dominer, Paris survit. La critique se montre acerbe : pas assez d’expérience, un jeu trop théorique, trop lent. Mais Luis Enrique, fidèle à ses convictions, ne cède pas. Il mise sur la rotation intelligente, préserve ses cadres, donne du temps aux jeunes, insiste sur la verticalité dans les phases décisives, et renforce un pressing plus discret mais plus ciblé.
En seizièmes de finale (nouveau format), le PSG tombe sur Brest, dans un duel franco-français inattendu. Et là, pour la première fois, le PSG déchaîne sa puissance offensive. Un 10-0 cumulé sur deux matches, score rarement vu à ce niveau. Un avertissement envoyé à l’Europe ? Certains n’y voient qu’un feu de paille. En huitièmes, l’adversaire change de calibre : Liverpool, mythique, rugueux, continental. Défaite 1-0 à Anfield, dans une ambiance de tempête, où Paris plie mais ne rompt pas. Le retour au Parc est un modèle de tension contenue. Paris égalise par Dembélé à la 12e, puis tient jusqu’aux tirs au but.
Le PSG ne séduit pas encore, mais il s’impose dans le chaos. Et c’est nouveau. En quarts de finale, face à Aston Villa, surprise anglaise aux allures de poil à gratter, le PSG montre enfin de la maîtrise tactique. En demi-finales, c’est Arsenal, déjà croisé au premier tour, qui se dresse. Les Gunners, auteurs d’une saison fantastique en Premier League, entrent favoris. Mais Paris, dans son nouveau costume de tueur froid, les étouffe sur deux matches. Avec trois clubs anglais écartés dans les matchs à élimination directe, la presse étrangère évoque une “renaissance française”. “Farmer’s League no more!” Ce PSG-là ne parle pas fort. Il joue juste et fort.
Puis c’est le paradis. Après des années d’investissements colossaux, de défaites cruelles, de remontadas traumatisantes et d’humiliations européennes, le PSG parvient enfin à vaincre ses démons. Contre l’Inter de Milan, en finale de la Ligue des champions, les Parisiens signent un chef-d’œuvre total, une victoire 5 à 0, sans appel, dans un match à sens unique où tout semble cliqué. Organisation impeccable, pressing millimétré, talent collectif déployé à pleine puissance : Paris étouffe les Nerazzurri dès les premières minutes, impose son rythme, frappe deux fois avant la mi-temps, et finit par danser sur les ruines adverses.
Cette performance n’est pas qu’un score. C’est un message. Une réponse à une décennie d’arrogance supposée, de malchance réelle, de critiques féroces. Le PSG entre enfin dans la cour des grands, non par son budget ou ses noms clinquants, mais par la justesse de son football, la force de son projet et la maturité de son groupe. Le rêve d’un projet né à Doha en 2011 s’accomplit, dans la nuit de Münich, sous les étoiles de l’Europe.
La consécration silencieuse
A l’heure des bilans, le PSG 2024/25 a tout raflé : Ligue 1, Coupe de France, Ligue des champions. Un triplé historique, glané avec rigueur, constance et une solidité jamais vue auparavant dans l’ère QSI. Plus qu’un palmarès, c’est une mue totale que Paris a opérée cette saison.
Si la conquête européenne a été semée d’embûches, le championnat de France, lui, s’est transformé en démonstration. 19 points d’avance sur le deuxième (Marseille), une différence de buts de +57, et seulement 2 défaites en 34 journées. Dès janvier, le suspense s’était évaporé. Le PSG, irrégulier sur les phases européennes, avait retrouvé sa mécanique nationale : une attaque fluide, une défense imperméable, un collectif bien huilé. Dembélé fait la différence, mais c’est surtout l’entrejeu parisien qui écrase les débats. Luis Enrique, parfois critiqué pour son flegme, pilote l’équipe comme un capitaine de navire dans des eaux calmes. Sans vague. Sans heurt. Mais avec autorité. Le parcours en Coupe de France ne restera pas dans les mémoires pour son romantisme, mais pour son efficacité froide. En demi-finale, victoire accrochée contre Dunkerque où il a fallu que le PSG s’emploie. En finale, un match maîtrisé face à Reims, Paris ne tremble pas, score net et sans bavure 3-0.
Seul le match en 32 ème de finale contre Lens fut éprouvant pour les nerfs avec la qualification arrachée aux penaltys. Les Parisiens lèvent le trophée au Stade de France avec calme dans une célébration collective mesurée. Avec la Ligue des champions dans la poche, ce doublé national prend une autre dimension. Le PSG signe le premier triplé de son histoire. Mieux encore : il le fait sans superstars marketing, sans dépendance à un joueur-messie. L’importance du coach n’est plus à démontrer. Longtemps jugé trop froid, trop tactique, trop “espagnol” dans sa gestion, Luis Enrique a fait taire toutes les critiques sans élever la voix. En une saison, il a réussi ce que tant d’entraîneurs stars ont échoué à faire à Paris : donner un sens au collectif, une hiérarchie fluide, une vision claire. Ni slogans, ni phrases creuses. Juste une méthode. Sa révolution ?
Construire autour de l’idée, pas de l’ego. Plus de joueurs indispensables, plus de passes-droits. Rotation, structure, responsabilité collective. Résultat : un groupe en osmose, capable de s’adapter et d’évoluer sans dépendre d’un homme providentiel. Les comparaisons affluent. Certains y voient le calme stratégique de Guardiola, la gestion humaine d’un Ancelotti, ou la lecture des matchs façon Zidane. Une chose est sûre : Luis Enrique est devenu, à Paris, un technicien respecté, suivi et... aimé.
Le feu d’artifice!
Et si cette saison marquait le sacre d’un joueur que personne n’attendait plus à ce niveau ? Ousmane Dembélé, épargné par les blessures pour la première fois depuis une éternité, a connu la saison de sa vie. Buteur en finale de la Ligue des champions, étincelant face à City, Liverpool ou Arsenal, il a été le fil électrique du PSG version Luis Enrique. Dribbles déroutants, passes millimétrées, buts décisifs et imprévisibilité constante : Dembélé a tout fait. Il a déséquilibré, créé, libéré. Et surtout, il a incarné un football libre mais structuré, sans forcer, sans tricher.
Ses statistiques sont folles : 33 buts, 13 passes décisives toutes compétitions confondues. Mais au-delà des chiffres, il y a le symbole : le PSG place enfin un joueur en lice pour le Ballon d’Or non pas pour son image ou son prix, mais pour sa contribution réelle au jeu. Le Ballon d’Or 2025 pourrait bien récompenser un feu follet devenu leader.
Le PSG a touché les étoiles, sans tout à fait les décrocher. Après un triplé national historique et une Ligue des champions remportée avec panache, le club parisien rêvait de conclure son année dorée par un sacre mondial. Mais en finale de la Coupe du monde des clubs, Chelsea a mis fin au rêve, s’imposant au terme d’un match tendu, où Paris a manqué de fraîcheur et d’efficacité.
Cette défaite, aussi cruelle soit-elle, ne ternit en rien la transformation profonde vécue par le PSG. Un collectif cohérent, un entraîneur respecté, des joueurs en pleine maturité et un style assumé : la saison 2024-2025 a marqué un tournant dans l’histoire du club. Paris n’est plus une promesse, une ambition ou une vitrine de stars. Il est devenu un club de football majeur, capable de gagner, de durer, et surtout d’émouvoir.