À partir du 5 juin prochain, sous le commissariat d'Emma Lavigne, conserva trice générale et directrice générale de la Collection Pinault, l'artiste Céleste Boursier-Mougenot s'empare de la Rotonde de la Bourse de Commerce avec son installation multisensorielle intitulée clinamen, présentée dans un format d'une ampleur inédite, en résonance avec l'architecture du lieu.
La Bourse de Commerce — Pinault Collection se met aux cou leurs de la saison estivale avec clinamen, installation aquatique et musicale de Céleste Boursier-Mougenot. Ce projet immersif transforme la Rotonde en un espace propice à la rêverie, où un bassin de 18 mètres de diamètre rempli d’eau reflète le ciel à travers la coupole du musée. Sur cette étendue bleutée, des bols en porcelaine blanche, mis en mouvement par un léger courant, génèrent des sons mélodieux et incantatoires. Ces vibrations acoustiques, créées sans l’intervention d’un interprète, sont le coeur de l’œuvre, une véritable symphonie de l’instant, évoluant au gré de vagues invisibles...
Cette œuvre s’inscrit dans une tradition où le son devient une matière vivante, libérée de la musique traditionnelle, et où le visiteur est invité à participer activement à l’expérience. Le titre clinamen, tiré de la physique épicurienne, fait référence à la trajectoire des atomes en mouvement, un concept qui résonne avec l’aspect inévitablement changeant et imprédictible de l’œuvre. Ainsi, chaque moment passé dans l’installation est unique, offrant une expérience sensorielle et temporelle sans cesse renouvelée.
L’artiste confronte le visiteur à l’immensité de l’instant, où le temps semble suspendu. Son travail interroge la frontière entre le quotidien et l’art, et ses objets détournés, tels que les bols, qui se métamorphosent en ins truments sophistiqués, capables de produire des sons sans intervention humaine.
L’espace de la Bourse de Commerce devient ainsi un lieu où l’on peut se perdre dans l’écoute et la rêverie, où chaque spectateur est invité à explorer son propre rapport au temps et à la perception sonore. Par cette installation, Céleste Boursier-Mougenot ouvre un dialogue subtil entre la matière, l’architecture et la présence humaine, créant un environne ment où l’art est à la fois une expérience individuelle et collective.
Si les vibrations concentriques à la surface de l’étendue bleue ne sont pas sans évoquer le désir de saisir l’infini dans l’espace clos de la toile partagé par Miró dans la trilogie des grands Bleu, Mark Rothko capturant le silence dans ses glacis atmosphériques, Monet conférant à un fragment d’étang ponctué de nénuphars blancs les dimensions de l’illimité, la plasticité de l’œuvre pour Céleste Boursier-Mougenot n’est pas la formalisation d’une intention picturale préexistante mais l’aboutissement du processus composi tionnel qui seul engendre la forme. On connaît l’intérêt que Céleste Bour sier-Mougenot porte aux matériaux qu’il reconfigure en faisant échapper les objets de leur fonctionnalité. Sa démarche s’inscrit en cela dans l’esthétique du détournement héritée de Dada et de Fluxus qu’il réactive, également inspi ré par l’attitude do it yourself qui traverse toute la scène musicale new-yorkaise, du punk à la musique expérimentale, à la source de laquelle il vient, dès les années 1980, chahuter le bagage de la musique postsérielle étudiée lors de sa formation.
(Emma Lavigne, commissaire de l'exposition, conservatrice générale et directrice générale de la Collection Pinault)