Le label Supports/Surfaces n'a pas été créé par un critique, un historien ou un marchand. L'élément cohésif qui unit ces artistes est le débat théorique et l'engagement dans des stratégies d'exposition non conventionnelles qu'ils ont pratiquées ensemble. La plupart des artistes dont les noms seront à jamais associés à Supports/Surfaces sont nés dans le sud de la France, non loin de la mer Méditerranée. C'est le cas d'André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Noel Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, Patrick Saytour et Claude Viallat. Seuls Marc Devade, André Valensi et Jean-Pierre Pincemin sont nés à Paris.

Le terme « Support-Surface » (sans « s » au pluriel) a été inventé par Bioulès et utilisé pour la première fois en septembre 1970, à l'occasion de l'exposition éponyme organisée par Pierre Gaudibert dans le département du Musée d'art moderne de la Ville de Paris, intitulée ARC (Animation Recherche Confrontation). Bioulès, Devade, Dezeuze, Saytour, Valensi, Viallat et Pagès - qui s'est rétracté avant l'ouverture de l'exposition - en faisaient partie.

Les fondements philosophiques de Supports/Surfaces s'inspirent à la fois de la philosophie politique, de la psychanalyse et du socialisme révolutionnaire. Ils partagent également l'ambition collective de contester la domination de la scène artistique internationale par les Américains. Ces stratégies ont investi leur travail d'une rigueur conceptuelle alors même que les résultats plastiques remettaient en question les normes esthétiques. Ils explorent des matériaux non conventionnels, axent leur pratique sur le processus et inventent de nouveaux modes d'exposition dans des espaces alternatifs, à l'extérieur et dans des éditions auto-publiées.

En 1971, Bioulès, Cane, Devade et Dezeuze fondent la revue Peinture - Cahiers théoriques. Elle a fermé ses portes en 1985, mais reste un témoignage de l'agitation intellectuelle de l'époque. Elle contenait un mélange capiteux d'idées politiques radicales et d'esthétique moderniste pure et dure. Typiquement, le numéro d'avril 1974 contenait à a fois une traduction de l'essai de Greenberg de 1961 « Modernist Painting » et une critique enthousiaste du livre de Sollers « Sur le matérialisme » par Louis Cane. En mûrissant, les associés de Supports/Surfaces deviennent les artistes les plus couronnés de succès en France. Mais ils deviennent aussi plus individualistes et solitaires.

Cependant, l'esprit rebelle exprimé sous la bannière de Supports/Surfaces continue d'inspirer leurs œuvres actuelles, qui sont finalement beaucoup plus subtiles que les premiers débats qui les ont motivées.

Aujourd'hui, les artistes de Supports/Surfaces ont, chacun à leur manière, révélé des pistes de solutions face à l'essoufflement du modernisme. Ils continuent à remettre en question la notion de peinture, poursuivant une esthétique radicalement éthique. Louis Cane a utilisé la phrase « Je ne vois pas la nécessité » comme une critique efficace tout au long de sa carrière. Saytour a fait de son respect des matériaux et des formes recyclés une nécessité, tout comme le motif de Viallat est le message. Pour tous ces artistes, il reste essentiel d'éviter l'affectation, de travailler avec la réalité des matériaux, de se méfier de la fabrication lisse. Ce qui les distingue peut-être des autres avant-gardes, c'est qu'ils prouvent depuis des décennies qu'il est possible de produire une renaissance sans dire que l'art est mort.

(Texte de Rachel Stella, mars 2025)