Le ciel : source du divin et de la vie

Nous, humains, avons toujours regardé vers le ciel pour trouver la paix de l’esprit, pour nous connecter à notre passé et à une réalité qui nous dépasse. La fournaise des étoiles y forge tous les éléments nécessaires à la vie : nous sommes de très vieilles poussières d'étoiles, éponymes du livre paru en 1984 de l’astrophysicien d’origine canadienne Hubert Reeves. Depuis l'apparition de la vie sur Terre, les êtres vivants ont évolué en relation avec les champs électromagnétiques naturels. Le vivant a depuis toujours baigné dans les rayonnements célestes produits par le Soleil et la foudre mais aussi dans les champs électromagnétiques produits par la Terre.

L'atmosphère : un minuscule habitat

L'atmosphère terrestre contribue à maintenir la température, la pression et les conditions chimiques propices à la vie. Elle nous protège des émissions ultraviolettes nocives du Soleil. Si la Terre avait la taille d'une pomme, l’épaisseur de l'atmosphère pourrait être comparée à sa peau.

L'espace commence à la ligne de Kármán, située à 100 km à peine au-dessus du niveau de la mer. Si d’aventure vous traversez des territoires désertiques, les voyageurs les plus proches pourraient être les astronautes de la Station Spatiale Internationale (ISS), passant à 420 km au-dessus de votre tête.

China

Des constellations de satellites

Un satellite est un objet qui suit une orbite (chemin) autour d'une planète ou d'une étoile. La Lune est l’unique satellite naturel de la Terre. Mais depuis le lancement par l'URSS de Spoutnik-1 en 1957, des satellites artificiels font inlassablement le tour de la Terre. Parmi les bons services rendus par ces objets spatiaux, on compte les télécommunications (téléphonie, données, radio, télévision), la navigation (comme le GPS), l’observation scientifique (météo, climat, océans, biologie), l'astronomie, la cartographie, ou encore le domaine militaire et le renseignement. Une constellation de satellites utilise plusieurs satellites pour couvrir de plus grands territoires au sol. Une altitude supérieure permet davantage de couverture territoriale par satellite. Pourtant, la plupart des constellations utilisent des orbites terrestres basses (LEO pour Low Earth Orbit, à des altitudes de 160 km à 2 000 km) ; certains utilisent des orbites terrestres moyennes (MEO, de 2 000 km - 36 000 km). Les satellites en orbite géostationnaire (GEO) gardent une position fixe à 36 000 km au-dessus du même point sur Terre. Une antenne TV parabolique pointe sans relâche vers un satellite géostationnaire. Cependant, les constellations les plus récentes offrant l’accès à Internet utilisent les orbites basses LEO.

Les nombreuses constellations de satellites présentent des différences notables à bien des égards. Prenons deux extrêmes : O3B, la constellation MEO construite par le groupe français Thales et Starlink, la constellation LEO de la société SpaceX dirigée par Elon Musk. Plus proche du sol, Starlink offre une meilleure latence (de l’ordre de 20 ms ou millisecondes) qu’O3B (125 ms). La latence est le temps nécessaire au transport des données à travers le réseau de satellites. Mais une faible latence grâce aux orbites basses (LEO) a un prix : chaque satellite dessert une plus petite partie de la surface terrestre. O3B couvre la plupart des zones terrestres et maritimes habitées sur Terre avec seulement 20 satellites, tandis que les plans de Starlink prévoient 42 000 satellites !

Pour se connecter à une constellation de satellites, chaque utilisateur a besoin d'un appareil, tel un téléphone satellite (par exemple, Globalstar ou Iridium) ou une antenne satellite (O3B, Starlink, OneWeb). La constellation LEO de Lynk promet même d’envoyer et recevoir des textos (SMS) à l'aide de téléphones cellulaires ordinaires.

Comment ça marche ?

Chaque constellation est différente. Pour se connecter à Internet, les utilisateurs de Starlink ont besoin de leur propre antenne au sol (ronde ou rectangulaire). Les clients d’O3B et OneWeb peuvent utiliser leur smartphone ou leur ordinateur portable sur un bateau de croisière connecté par satellite, une plate-forme pétrolière offshore ou via une antenne-relais cellulaire. L’antenne au sol et le satellite contiennent des centaines de minuscules antennes appelées réseau phasé ou antenne massive à entrées multiples et sorties multiples (massive MIMO). Ces satellites produisent des faisceaux concentrés de radiofréquences (micro-ondes) dirigés vers les utilisateurs. Les faisceaux des satellites O3B ont un diamètre de 700 km au sol, tandis que les faisceaux Starlink pourraient ne faire que 14 km.

Pour les communications longue distance, par exemple un appel de téléconférence Zoom entre Londres et Chicago, ou un texto entre Hong-Kong et Mexico, les satellites doivent communiquer entre eux. Les liaisons inter-satellites (ISL ou Inter-Satellite Links) au moyen de faisceaux laser directs sont idéales, mais restent encore inactives, même si Elon Musk les annonçait en janvier pour « bientôt » dans son réseau Starlink. Les satellites peuvent également s'interconnecter via des stations au sol au moyen de signaux radiofréquences (micro-ondes) entre 12 gigahertz (GHz) et 75 GHz. Ces fréquences sont plus élevées que celles utilisées pour le Wi-Fi ou les smartphones 4G, créant ainsi un « tuyau de données » plus large : les fréquences supérieures fournissent plus de spectre et de bande passante et peuvent transporter les données plus rapidement.

S’agit-il de la 5G ?

Les constellations de satellites de télécommunication sont souvent associées aux réseaux mobiles terrestres 5G. En effet, ils partagent la même technologie : les constellations de satellites et les réseaux mobiles terrestres 5G utilisent des ondes dites « millimétriques » et des antennes à faisceaux directionnels (massive MIMO). Cependant, un réseau mobile utilise principalement des câbles à fibre optique pour interconnecter ses antennes-relais (bien sûr, la connexion des utilisateurs aux antennes-relais se fait sans fil). Seules les zones rurales dépourvues de fibre optique à haut débit pourraient tirer un avantage des satellites pour connecter leurs antennes-relais (5G mais aussi 2G à 4G). Bien que ces réseaux satellites et la 5G partagent certaines technologies, il n'y a pas de définition stricte de ce qu’est exactement la « 5G » - ces questions demeurent par conséquent toujours discutables.

Pourquoi tant de satellites ?

Transporter des données à partir d'une antenne Starlink sur votre toit jusqu’à un satellite dans l'espace (et retour) prend une fraction de seconde. La plupart des applications nécessitent un temps de réponse relativement rapide (une faible latence). Dans un autre article, j'ai pointé quelques applications courantes et leur latence requise. Nous l’avons vu, les satellites en orbite basse (LEO) offrent la meilleure latence. Les satellites MEO peuvent pourtant faire l’affaire pour tout type de communication. Le seul bémol tient du fait qu’ils n’offrent pas toujours la meilleure expérience à leurs utilisateurs, vu la rude concurrence des LEO.

Sur de longues distances, les satellites LEO offrent même une latence meilleure que celle de la fibre optique. En effet, la lumière voyage nettement plus vite dans l'espace (env. 300 000 km/seconde) qu'à l'intérieur d'un câble à fibre optique (env. 200 000 km/s). Les constellations de satellites LEO ont donc un nouvel avantage : ils sont imbattables sur de très longues distances. Lorsque chaque milliseconde compte, LEO peut changer la donne, comme dans les transactions boursières automatisées et quasi-instantanées entre ordinateurs. Bientôt, on peut s’attendre à voir les plateformes boursières connectées aux étoiles.

En raison de la demande croissante de vidéos, l'industrie des télécommunications espère une croissance exponentielle du trafic de données Internet. Cependant, on peut se réjouir des controverses au sujet de cette tendance. On remarque en fait des indicateurs de ralentissement de croissance ; mais les opérateurs de méga-constellation ne voudraient pas s’y tromper et risquer de sous-dimensionner leurs réseaux. Lorsqu’ un satellite atteint son maximum de capacité (plusieurs gigabits de données par seconde), de nouveaux satellites dans les environs doivent venir l’épauler. Pour réduire la charge de données sur les satellites existants, d'autres doivent être lancés. Une telle saturation est particulièrement susceptible de se produire dans des zones densément peuplées.

La course permanente à la faible latence combinée à une demande croissante de données est la recette parfaite pour tenter de justifier le déploiement de dizaines de milliers de nouveaux satellites LEO. Et bien sûr, n’oublions pas l’argument de la connectivité en tout lieu, sans aucune infrastructure terrestre : ni câble, ni fibre optique, ni réseau cellulaire. Une poignée d'entreprises prévoient donc de lancer d’imposantes constellations de satellites dans les prochaines années.

A combien de satellites faut-il s'attendre ?

Jusqu'à présent, SpaceX Starlink (USA) prévoit la plus grande constellation. Starlink a introduit des demandes à la FCC (Federal Communications Commission) aux États-Unis pour lancer 42 000 satellites. CASC GW (Chine) en prévoit 13 000, tandis que OneWeb (Royaume-Uni) prévoit 7000 satellites et qu’Amazon Kuiper (USA) vise les 3 000. Les plans crédibles liés à d'autres constellations restent plus modestes, jusqu'à présent. Nous pouvons donc nous attendre à un total de plus de 65 000 satellites en orbite basse ! C'est cinq fois le nombre d'objets lancés dans l'espace en 64 ans (près de 13 000).

La guerre des constellations : tu nous manqueras, Cassiopée

L'astronome belge Giles Robert, directeur de l'Observatoire Centre Ardenne, a déclaré1 : « Le ciel étoilé est le paysage commun de tous les peuples de la Terre en tous lieux et depuis toutes les époques. » Si les plans actuels de lancement de satellites se réalisent, il y aura sept fois plus de satellites LEO que les 9 000 étoiles visibles à l'œil nu. En moyenne, chaque petit carré dans le ciel d’un seul degré de côté contiendrait deux satellites.

Né de l'ambition d'une poignée de milliardaires, ce ballet effréné d'antennes artificielles va désormais se mélanger aux constellations issues de quatorze milliards d’années d’activité cosmique. Qu’y faire, chers astronomes ? Rappeler à ces PDG et à leurs actionnaires la Déclaration universelle des droits de l'homme des générations futures (UNESCO 1994) : « Les personnes appartenant aux générations futures ont droit à une Terre indemne et non contaminée, y compris le droit à un ciel pur. »

Plusieurs associations d'astronomes affirment que les méga-constellations de satellites endommageront inévitablement les observations astronomiques à travers cette nouvelle source de pollution lumineuse. Chaque satellite laissera une longue traînée qui peut complètement ruiner l'observation des étoiles, des planètes, des lunes, des galaxies, des comètes, des nébuleuses et plus encore. Une étude de l’Observatoire Européen Austral (ESO) confirme l’impact des méga-constellations sur certaines catégories d’observations en particulier.

Les astronomes professionnels observent la lumière visible du cosmos mais aussi ses radiofréquences naturelles. Selon un rapport de 2021 publié dans Nature, les émissions de fréquences radio des constellations de satellites menacent sérieusement les observations des astronomes en raison de leur interférence avec les émissions naturelles.

Les constellations artificielles ignorent également les besoins et les contributions des astronomes amateurs. Des amateurs traquent les astéroïdes qui pourraient percuter la Terre et provoquer de véritables catastrophes. L'augmentation du nombre de satellites augmente le risque de cataclysmes non détectés.

Elon Musk, l'homme le plus riche de la galaxie, contrôleur en chef de Starlink, n'est pas un scientifique. Ses réussites lucratives dans les affaires ne l'empêchent pas de faire des déclarations inexactes sur l'astronomie moderne. Musk a déclaré que tous les télescopes devraient se retrouver dans l'espace et que ses satellites auront un impact quasi nul sur les découvertes en astronomie. En fait, il s’avère que les télescopes spatiaux sont extrêmement coûteux. Ils peuvent compléter les télescopes au sol mais sans jamais les remplacer. Bien que Starlink fasse des efforts pour réduire l'impact sur l'astronomie en réduisant légèrement la réflexion de ses satellites (peindre leurs panneaux solaires les rendrait dysfonctionnels), les dommages aux données scientifiques sont inévitables.

Après ces considérations de base, dans un prochain article j’aborderai l'impact des constellations de satellites sur l'environnement, le climat, les prévisions météorologiques, la santé. Nous verrons la question des débris dans l'espace et le manque de gouvernance sur leur déploiement ou leur utilisation.

1 Exposé de l’astronome Giles Robert au sujet de la pollution lumineuse lors d’une table-ronde organisée par la parlementaire européenne Michèle Rivasi le 20 février 2020.