Durant la précédente législature (2014-2019), l’Union Européenne s’est absentée de la scène internationale, minée par des divisions internes qui ne rendent pas compte des enjeux et ne répondent pas aux défis. L’Europe risque à présent de perdre cette force d’attraction qui la caractérisait jusqu’au début de ce millénaire.

La crise des valeurs, de l’économie et de la sécurité ces dix dernières années démontre cependant de manière tangible ce que chaque citoyen perd à cette perte de pouvoir (soft power) de l’Europe dans le monde.

Pour éviter de continuer à glisser vers le bas, la marche vers une Fédération Européenne doit donc se poursuivre. Mais les politiques européennes doivent changer radicalement. Elles doivent être adaptées aux exigences des citoyens, dans le respect des valeurs démocratiques effectives et des réalités d’une planète globalisée.

Alors que faire ? Et comment ? Il y a peu à changer en matière de législation. Tout au plus quelques priorités à intervertir, celles qui ont progressivement permis à l’argent de passer avant les gens.

Mais il y a tout à changer quant dans la manière de remettre en marche l’Etat de Droit qui s’est, ces dernières décennies, effiloché. La restauration d’une démocratie effective est prioritaire. Ceci signifie un gouvernement de la loi (government of law), et non un gouvernement d’hommes guidés par le nationalisme, le régionalisme, le clientélisme, les ententes illicites, sinon les collusions avec le crime organisé (government of men).

La crise du Coronavirus, et la saga des masques en Belgique, en France et ailleurs, pointe du doigt le danger de telles dérives. Gouverner pour masquer erreurs et fautes, pour les citoyens est devenu mortel.

Les conventions internationales de protection des Droits de l’Homme, en droit, sont directement applicables et priment sur toutes lois nationales auxquelles elles s’imposent. Encore faut-il qu’administrations et tribunaux aient la volonté et les capacités de s’y conformer. Or, de plus en plus souvent, ces Conventions restent déclamées, mais ne sont pas effectivement appliquées.

C’est sans doute là la principale cause de la décadence de nos démocraties, qui se prétendent encore toujours le système le meilleur. Si “la démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres”, nos démocraties ont depuis lors perdu la nécessaire crédibilité pour y prétendre. Nos démocraties, et non pas La démocratie. Défait, depuis Winston Churchill, les hommes de son autorité se comptent sur les doigts de la main. Et parmi eux, il y eut aussi les pères de l’Europe … qui se cherchent successeur. Que nous réserve l’Allemagne pendant son semestre de présidence ? Réussira t’elle à faire repartir ce seul moteur capable de remettre l’Europe en marche ?

La loi est la même pour tous les citoyens ? Encore faut-il que les autorités publiques mettent tous les citoyens en mesure de l’appliquer et d’en bénéficier. Elles en ont le devoir. Le démantèlement de l’Etat social démontre qu’elles y ont manqué. Le Coronavirus changera t’il le cours de cette marche vers l’abime ?

Tout citoyen, lorsque ses droits fondamentaux sont violés, a le droit de demander le statut de réfugié politique tel que reconnu par les conventions internationales, dans n’importe quel Etat de l’Union Européenne. A tout le moins devrait avoir ce droit. Et tout Etat de l’Union Européenne a le devoir d’examiner loyalement ces situations qui lui sont présentées, même lorsqu’elles se produisent chez leurs partenaires européens. C’est en effet le seul moyen de garantir mutuellement un respect effectif des droits des citoyens sur le territoire européen. Force est de constater que lorsque les Etats Membres violent le droit, les partenaires européens préfèrent souvent regarder ailleurs.

La montée de l’extrême droite en Pologne et en Hongrie semble avoir provoqué un sursaut attendu. Faible, mais il existe. Reste à l’étendre à ces situations où des intérêts économiques aussi sont en jeu. A ce jour, lorsque ces derniers sont “protégés”, fussent-ils aussi hors la loi que la plupart de ces ressources évadées vers les paradis fiscaux, les droits des citoyens se sont de plus en plus souvent trouvés contraints de céder le pas, fut-ce en violation des lois. Et lorsqu’un Etat viole ses propres lois, il perd sa crédibilité. Et lorsqu’il perd sa crédibilité, il perd ses moyens d’agir. Et lorsque l’Europe le tolère, elle perd l’adhésion des peuples qui l’habitent.

Les citoyens européens, qui prennent l’Union Européenne de moins en moins au sérieux attendent d’abord que ses Etats collaborent pour garantir leurs droits sur l’ensemble de son territoire. Le retour de ces fonds évadés qui manquent aux finances publiques de tous nos Etats sera un test pour la crédibilité de l’Union Européenne. Non seulement il démontrera que les citoyens sont effectivement égaux devant les lois mais lui donnera les ressources pour avancer.

A tous ceux qui rêvent de Fédération, Européenne, rappeler ces critères est une condition pour progresser dans cette voie. Car L’Europe ne se fera pas sans ses citoyens. C’est, tout simplement impossible. Le niveau d’éducation et les moyens de communication ne le permettront plus. Même si la fracture sociale et éducative laisse une faille pour ceux qui veulent s’imposer par la force plutôt que par le consensus, l’adhésion, et la participation. Ils ne pourront en effet que réussir à faire chavirer le navire. Et le risque est grand si cette législature ne réussit pas à reprendre la barre.

La transparence dans les institutions doit donc être effectivement appliquée, et non seulement proclamée. Pour éviter que les institutions ne soient utilisées comme bras armé de forces politiques et/ou économiques qui avancent masques, il n’est plus temps de se contenter de discours. Il faut que les actes suivent.

La pandémie soulèvera-t-elle un coin du voile sur la méthode ? Il sera intéressant d’observer les Etats qui réussiront le mieux à résister, et de comprendre pourquoi.