L’œuvre de Robbie Cornelissen s’articule autour de la pratique d’un dessin rigoureux et précis, qui ne renie pas son ancrage dans la tradition de la transcription du réel. En effet, l’artiste néerlandais exploite depuis de nombreuses années la capacité du dessin à donner forme à des espaces dont l’existence semble vraisemblable ou plausible, mais qui ne correspondent pas tout à fait à l’image que l’on se fait d’eux. Grâce à une maestria technique impressionnante et à l’usage de la perspective, les œuvres de Robbie Cornelissen chevauchent une ligne étroite entre des effets de réalisme et d’imagination, où l’on doit résister à l’envie de les considérer comme de documents plutôt que comme des fictions.

Dans les œuvres récentes de l’artiste, les techniques du dessin d’architecture continuent d’être au centre de ses recherches, mais elles font de plus en plus place à une forme de déconstruction qui n’est pas sans rappeler l’idée reçue voulant que l’on doive d’abord apprendre à bâtir avant de défaire. Ici, des œuvres telles qu’Arena ou Monument portent toujours des références explicites à des modèles architecturaux classiques, mais d’autres, comme The Dance, montrent des constructions qui peuvent s’apparenter de manière contextuelle à des bâtiments ou des espaces urbains. La liberté de leurs formes et la gestualité qui les rend visibles les inscrits dans un autre registre, où la volonté de sonder de nouvelles possibilités est manifeste. Car c’est aussi l’enjeu dans la démarche de Cornelissen : l’exploration de la capacité du dessin de perspective à créer des espaces qui, bien qu’ils respectent les lois de la physique, peuvent donner à voir des mondes inventés, fantasmés ou virtuels. C’est entre autre le cas d’une série (Inlands, Mirror, Tribunal, etc.) dans laquelle les structures émergent de formes colorées indéterminées, elles-mêmes sur un fond noir abyssal. Ces nouvelles investigations témoignent d’une vision plus conceptuelle de l’espace, faisant parfois référence au paysage ou au territoire, voire parfois à un espace mental (Living).

C’est toutefois dans les vidéos d’animation que le dessin de Robbie Cornelissen est le plus affranchi, qu’il libère tout le potentiel d’une technique qui n’est pas ontologiquement assujettie à la référentialité. Dans The Battle of Hernen, une fiction conçue pour une première présentation dans le château du même nom au Pays-Bas, le style est expressif, les traits de fusain portent la marque de la main qui les ont faits. Supporté par la forme narrative de l’œuvre, qui rythme clairement les moments de la bataille, de l’anticipation jusqu’à son dénouement, le dessin évoque ici plus qu’il ne montre, sans pour autant perdre de sa force d’énonciation. Par moments, certains plans apparaissent même presque comme des abstractions ; voilà qui ouvre un tout nouveau registre dans le vocabulaire plastique de l’artiste, un contrepoids à l’ordre et à la structure qui parcourent son œuvre.