Pierre Laroche s’intéresse aux codes et aux constructions symboliques associés à l’histoire de l’art. J’ai souhaité réaliser une exposition bilan qui mette en relief ce regard espiègle. Dans ses tableaux on pourra découvrir les rencontres fortuites de scènes tirées de Cornelius Krieghoff et d’éléments anachroniques et fantastiques. Les galeries des maisons anciennes seront remplies de zombies et d’artistes d’ici et d’ailleurs, les traîneaux sur glace seront déroutés par des panneaux de signalisation et ces mondes seront souvent enchâssés dans une boule de verre, une bouteille ou encore un tableau en train de tomber. Laroche qualifie son approche d’identitaire et il s’emploie à représenter la notion de déroute par différents symboles et personnages. Il s’agit parfois d’une déroute politique et hautement dangereuse comme dans Arpeur ou de la simple évocation des détours routiers sans fin et sans but avec Où allons-nous et qui sommes-nous ?

Les connaisseurs découvriront un nouvel aspect de la pratique de l’artiste puisque cette fois-ci, il s’inspire des produits dérivés issus d’expositions des grands musées. En effet, il a su réaliser une série d’objets inspirés de ses propres œuvres : t-shirt promotionnel de la tournée de l’exposition, sapins « sent-bon » pour la voiture à l’odeur de fumée, etc. Il s’agit à la fois d’œuvres collectibles et d’outils de propagande : « Peu importe le niveau subversif de l’œuvre, immanquablement elle finit en produit de consommation. J’ai voulu être le maître d’œuvre et accélérer le processus de détournement ! ». C’est en concertation avec l’artiste que j’ai opté pour une présentation des « produits dérivés » tout au long du parcours d’exposition afin « de bousculer l’ordre établi » qui distingue les espaces consacrés aux « souvenirs », à ceux des œuvres à part entière. L’artiste et moi souhaitions créer une tension entre le monde marchand et celui de la délectation, faire réfléchir sur le statut des objets, leur rôle et leur valeur symbolique.

Membre engagé du mouvement des Cabanistes, Laroche est pragmatique :« Je ne crois pas que l’art peut changer le monde, mais je veux bien essayer. » Il préfère avoir du fun avant que tout pète. Satirique, il a l’élégance d’être critique avec humour et poésie. Reconnu pour ses parodies visuelles, Laroche a su trouver dans les peintures de Krieghoff, les indications routières, les médias et le milieu de l’art des sources d’inspiration qu’il réactualise.

Afin de brouiller les cartes, j’ai invité Éric Lamontagne, un autre artiste membre des Cabanistes, à venir infiltrer cette exposition bilan. Figure connue pour ses illusions picturales, Lamontagne y présente deux tableaux de paysages atrophiés. Les multiples découpes faites sur ses canevas sont transformées en objets peints. Ces trompe-l’œil de toiles, véritables objets sculpturaux, se retrouvent également dispersés dans l’espace de la galerie sous forme d’outils servant à produire une exposition. Le Clin d’œil de Lamontagne ajoute un pont conceptuel avec les fictions fantaisistes et critiques de Laroche. Le dialogue visuel entre les œuvres de ces deux artistes installe également une trame narrative qui évoque une fiction, celle de la figure même de l’artiste. À l’ère de la postvérité et des faits alternatifs, Pierre Laroche nous fascine par son propos pertinent, fantaisiste et son existence improbable…