Une cinquantaine d'artistes, deux tiers des oeuvres spécialement conçues et produites pour l'exposition : un défi pour les deux commissaires, Sophie Duplaix et Fabrice Bousteau. Entretien et éclairage sur une exposition singulière qui jette un pont entre deux cultures et ouvre une voie nouvelle.

Cette exposition propose un éclairage de la société contemporaine indienne à travers les regards des artistes contemporains. Quels sont les thèmes qui la traversent ?

SOPHIE DUPLAIX ET FABRICE BOUSTEAU (commissaires de l'exposition) – Les artistes indiens et français sélectionnés rendent compte, à travers leurs oeuvres, des profondes mutations de la société indienne et nous livrent leur perception de la politique (fondements de la démocratie, question de la partition, montée de la classe moyenne), de la religion (croyances, spiritualité…), de l'identité (nationale, régionale, linguistique, sexuelle, liée aux castes…), de l'urbanisme (exode rural, essor des mégalopoles), de l'artisanat (traditions ancestrales et modernité, héritage culturel et technologies actuelles) ou du foyer (famille, mariage, émancipation féminine, cuisine…). Ils apportent des éclairages sur l'Inde d'aujourd'hui et donnent leur propre interprétation de sa société, dans un dialogue stimulant et inattendu.

À travers votre expérience dans la préparation de cette manifestation, quelle est la place de l'Inde aujourd'hui dans le monde ?
SD/FB – Outre le foisonnement et l'effervescence de sa scène artistique, l'Inde est la plus grande démocratie du monde, un acteur économique de premier rang et le deuxième pays le plus peuplé de la planète. Elle exerce une grande fascination, suscite un intérêt immense, croissant, et souvent des passions, de la part du public français et européen, tout en demeurant encore mal connue. L'ambition de « Paris-Delhi-Bombay… » est de provoquer la rencontre entre les artistes, les deux cultures. Et pourquoi pas, de fertiliser un territoire artistique commun.

Comment avez-vous sélectionné les artistes français ?
SD/FB – Nous ne les avons pas choisis à la lumière d'un travail antérieur déjà réalisé sur l'Inde, mais en fonction de leur capacité à réagir, à travers la conception d'un projet inédit autour de leur perception de l'Inde contemporaine. Les deux tiers des oeuvres sont des productions réalisées spécifiquement pour l'exposition du Centre Pompidou. La plupart des artistes français invités ne s'étaient jamais rendus en Inde et, à l'occasion de ce projet, beaucoup y sont allés pour la première fois. D'autres ont aussi choisi délibérément de ne pas faire le voyage, une manière pour eux de ne pas céder à l'exotisme.

Comment avez-vous conduit vos recherches pour ce projet ? Comment en témoignez-vous ?
SD/FB – Des historiens de l'art et des commissaires d'exposition indiens, ainsi que des sociologues, des politologues, des philosophes, des anthropologues des deux pays ont été consultés et ont travaillé ensemble pour participer à l'élaboration de cette exposition en nourrissant le travail et la réflexion des artistes. L'exposition propose ainsi aux visiteurs des repères sur l'histoire et la société contemporaine indiennes et rend compte, dans sa partie introductive, d'un important travail de recherches et d'échanges, sous la forme de photographies d'archives, de documents audiovisuels… Une programmation de conférences et de débats en résulte également. Le catalogue de l'exposition en est la trace et le prolongement. Il rend compte de la dimension sociétale de l'exposition à travers une partie de type « magazine », commentée graphiquement par un illustrateur, et comprenant des textes écrits principalement par les chercheurs en sciences sociales avec lesquels nous avons collaboré. Il apporte d'autre part un éclairage essentiel sur la création contemporaine du pays, à l'aune de la modernité et de la mondialisation, grâce à des essais rédigés par des historiens de l'art indiens de renom, qui replacent les oeuvres présentées dans leur contexte. Une chronologie détaillée retraçant la place croissante de la représentation indienne dans le paysage artistique international a été réalisée spécifiquement. C'est la première fois qu'un travail scientifique de cette ampleur a été mené sur cette scène. Ce sera un ouvrage de référence.

Centre Pompidou
25 mai - 19 septembre 2011
11h00 - 21h00
Nocturnes tous les jeudis jusqu'à 23h
Fermeture des caisses à 22h