Avec les cheveux humains, j’utilise un matériau vivant, pour essayer de comprendre les relations que nous entretenons avec notre environnement, autant celui des autres que celui de la planète. - Isabelle Plat

L’exposition À un cheveu de l’usage présente un ensemble de sculptures et de dessins réalisés par Isabelle Plat à partir de cheveux collectés chez des coiffeurs. Trésor du patrimoine génétique, ce matériau est pour elle un « objet d’appartenance », encore plus proche des personnes que ne le sont les vêtements, qu’elle peut également intégrer dans son travail. Cette proximité à l’humain reste forte dans ses dessins aux cheveux figurant des empreintes, même devenus gigantesques, car ils sont traités comme des membranes correspondant aux points de contact entre l’intérieur et l’extérieur du corps.

Le choc esthétique engendré par le travail d’Isabelle Plat vise à éveiller les perceptions aux conséquences des gestes individuels. En effet, si la société contemporaine prétend aspirer à vivre en harmonie avec la nature, cette relation semble fondée sur des distances et des rapports maitrisés. En choisissant de travailler à partir de cet « objet d’appartenance », Isabelle Plat inscrit son travail au coeur des préoccupations actuelles. S’épiler le corps n’est-il pas l’indice d’un rejet de ce qui peut rappeler notre animalité ? Notre civilisation n’a-t-elle pas tant cherché à dominer la nature et à s’en protéger, qu’elle ne sait plus vraiment ce à quoi elle aspire à son propos ?

Le titre de l’exposition, À un cheveu de l’usage, fait référence au concept de « sculpture d’usage » développé par l’artiste depuis de nombreuses années. Au-delà de leur dimension visuelle, ces sculptures proposent un deuxième niveau de lecture, par l’usage. Cet usage bouleverse la perception de l’oeuvre, engageant le spectateur dans un geste qui le réveille à lui-même. L’emploi de cheveux humains pour la réalisation de ces oeuvres ajoute une dimension supplémentaire : l’usage d’une matière vivante abritant encore l’ADN d’individus. Ainsi, la sculpture Cervelle tapis aux cheveux de parisiens représente un organe humain, réalisé à partir d’une matière recyclée. La technique de mise en oeuvre par l’artiste invite le spectateur à marcher sur ce symbole de la pensée et de l’individu, comme dans une confrontation avec sa propre matière grise.

Isabelle Plat est né à Lyon et vit et travaille à Paris Isabelle Plat travaille le concept de l’usage pour poser la question du corps dans son rapport au monde. Elle s’attache souvent à confronter un utilisateur/spectateur à la vision d’une nature vivante dont il peut expérimenter les régulations et les diversités alors que l’homme s’est habitué à un univers d’objets destinés à être manipulés, à être consommés et à être épuisés. Bien que ses sculptures favorisent un usage, cette distinction permet de les dissocier clairement du design, de l’artisanat ou même du ready-made.

Les propositions d’Isabelle Plat dans l’espace public ou privé visent une confrontation poétique et physique, impliquant le spectateur dans sa matérialité dans l’environnement qui l’entoure. Depuis quelques années, Isabelle Plat travaille à partir de matières organiques telles que le cheveu, dans une logique environnementale de renouvellement d’énergies.